
C’était sans doute l’un des moins connus des leaders historiques de l’African national congress (ANC) contrairement à des monuments comme Walter Sisulu, Govan Mbeki, Oliver Thambo et, bien sûr, Nelson Mandela, mais il n’en inspirait pas moins le respect et la considération.
Ahmed Kathrada, fils d’émigrés indiens, l’un des huit accusés du fameux procès de Rivonia en 1964 qui envoya au bagne Madiba et ses compagnons de la lutte contre l’apartheid, décédé le mardi 28 mars 2017 à 87 ans, a été enterré hier au quartier musulman du cimetière de West Park à Johannesbourg.
En présence de quelques centaines d’illustres inconnus, venus rendre un dernier hommage à celui qui fut un ami très proche et aussi un conseiller politique de Mandela, mais aussi de personnalités de premier rang. Tout le monde en effet était là : l’ancien président Thabo Mbeki, Winnie Mandela, Graça Machel, la veuve de Mandela, Cyril Ramaphosa, actuel vice-président, Julius Malema, le trublion de la scène politique sud-africaine, leader du parti radical des combattants pour la liberté économique, ou encore Andrew Mlangeni, l’un des deux derniers survivants de Rivonia…
Tout le monde donc était là, sauf le premier des Sud-Africains que le mort ne souhaitait pas voir à ses obsèques, et il en avait expressément formulé le souhait avant de rendre son dernier souffle. Comme si cette seule présence aurait souillé sa dépouille. Ultime pied de nez d’un parangon de vertu dont on a encore loué, au moment de le conduire à sa dernière demeure, la modestie, le dévouement et l’intégrité.
Autant dire tout le contraire de l’indésirable Jacob Zuma à qui le vieil homme, bien que retiré de la vie publique, avait écrit en 2016 pour lui demander de démissionner au regard des nombreuses casseroles qu’il traîne et que ses opposant ne manquent jamais la moindre occasion de faire tinter. Ainsi de la réfection à grands frais de la résidence de Nkandla sur le dos du contribuable. Pour Oncle Kathy en effet comme on l’appelait affectueusement, Zuma avait trahi leurs idéaux et leurs espérances et largement démérité de la fonction.
A la fin de l’apartheid, lui qui fut pensionnaire de la prison de haute sécurité de Robben Island aux côtés de son mentor s’était quelque peu reconverti en « guide touristique » dans ce qui est devenu à partir de 1996 un musée, faisant visiter le site à plus de trois cents personnes parmi lesquelles Barack Obama, Yasser Arafat, Fidel Castro, Gerry Adams , etc.
Les obsèques du patriarche ne pouvaient donc que prendre une tournure forcément politique et militante pour se transformer, une fois de plus, en tribune contre le chef de l’Etat, englué dans ses multiples scandales de corruption et de népotisme, avec la lecture, entrecoupée de « Zuma doit tomber », d’une partie du pamphlet du défunt qui, même de sa tombe, continuera à être le poil à gratter du locataire de State House. Un ultime message d’outre-tombe qui sonne comme le comble de l’humiliation pour Zuma, le pauvre, à qui, décidément, ses contempteurs, vivants ou morts, n’auront rien épargné.
Ousséni ILBOUDO
L'Observateur paalga |