"Fantaisiste ! Absurde et sans fondement !" Le moins que l’on puisse dire est que les mots ont manqué à Me Habiba Touré, l'avocate de Simone Gbagbo, qui a eu du mal à contenir sa colère le lundi 2 mars dernier à la fin de la plaidoirie de Me Soungalo Coulibaly, seule partie civile dans le procès pour "atteinte à la sûreté de l'État" de l’ex-première dame ivoirienne et de ses 82 coaccusés. Raison de l’ire de Me Touré : le montant vertigineux de la demande pécuniaire de l’avocat de l’Etat ivoirien contre les prévenus.
"La partie civile réclame comme dommages et intérêts, au regard de tous les préjudices subis par l'État, la somme de 2 000 milliards de francs CFA (environ trois milliards d'euros) que les accusés sont tenus de payer solidairement", a lancé sans ciller Me Coulibaly.
Oui vous avez bien lu, 2 000 milliards de FCFA, soit un peu plus de la moitié du budget d’un pays comme le Burkina Faso.
Coupons court votre étonnement pour vous rappeler que dans le droit ivoirien, l'État peut se constituer partie civile pour demander des peines civiles (dommages et intérêts), quand le parquet général requiert des peines pénales (prison...). Mais même avec ça…
Hier mardi, ce fut au tour du parquet de porter ses coups de boutoir contre Simone et Cie. Et là, on a eu droit à des réquisitoires d’un ministère public à la sensibilité sélective : d’une part, inclément à l’égard des miliciens encore en détention contre lesquels il a été requis des peines allant jusqu’à vingt ans de prison et, de l’autre, porté à l’indulgence, si vraiment c’en est une, envers les cadres politiques du FPI, avec des requêtes pénales variant d’une dizaine à une vingtaine de mois.
Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), Geneviève Bro Grébé, la leader des Femmes patriotes, ou encore Narcisse Kuyo Tea, le chef de cabinet de Laurent Gbagbo, seraient coupables uniquement de troubles à l’ordre public et le parquet général a requis vingt-quatre mois de prison contre eux.
L’ancien Premier ministre, Gilbert Marie Aké N'gbo, l’ancien argentier de Laurent Gbagbo, Désiré Dallo ou encore l’ancien ministre, Joseph Kata Kété, eux, seraient coupables de troubles à l’ordre public et de coalition de fonctionnaires. Contre ces trois hommes politiques ont été seulement requis dix-sept mois d’emprisonnement.
Concernant l’ex-première dame, le parquet n’y est pas non plus allé de main morte : 10 ans de prison, pour « participation à un mouvement insurrectionnel », « troubles à l’ordre public » et « constitution de bandes armées ».
Mais ce ne sont là que des réquisitoires auxquels le tribunal n’est pas tenu. Reste maintenant à savoir à quelle sauce les vaincus de la guerre civile postélectorale de 2010-2011 seront-ils mangés.
Les verdicts à venir confirmeront-ils l’accusation en « justice des vainqueurs » portée contre le régime d’ADO ou vont-ils révélé l’indépendance du pouvoir judiciaire qui ne s’en tient qu’au droit, et rien qu’au droit ?
Car ne l’oublions pas, tout au long de ces Assises, les incriminations dont sont l’objet Dame Simone et ses coprévenus n’ont été soutenues par aucune preuve matérielle. En droit, dans le vrai, l’absence de preuves matérielles oblige au doute.
Et le doute profite toujours à l’accusé, comme l’impose un des principes sacro-saint de la justice. Même si dans le cas d’espèce, nous sommes en Assises où c’est l’intime conviction des jurés qui prime.
Hyacinthe Sanou L'Observateur paalga |