Flambi s’en va en guerre. Jugé molasson, indécis, inconsistant même par ses propres camarades, le président français, François Hollande, semble s’être découvert une poigne depuis les attentats sanglants du vendredi 13 qui ont fait quelque 130 morts et plus de 300 blessés à Paris. C’est en effet en véritable chef de guerre qu’il est apparu hier dans l’après-midi pour une allocution solennelle au ton martial devant les deux chambres du Parlement réunis en Congrès à Versailles.
Un exercice suffisamment rare dans l’histoire institutionnelle de la Ve République qui montre à souhait combien l’heure est grave. Le sang des victimes et les larmes de leurs proches sont loin d’être séchés, l’émotion est toujours vivace mais place est désormais à l’action. Quelle réponse appropriée apporter au terrorisme, telle est l’équation à plusieurs inconnues à la fois politiques, législatives, judiciaires, sécuritaires et sociales que le chef de l’Etat français se doit de résoudre.
Dès la commission de l’indicible carnage, il avait décrété l’état d’urgence (qui doit être prorogé pour trois mois) et ordonné des frappes tout aussi expéditives contre des cibles de DAESH dans son fief de Raqqa ; à présent c’est une véritable batterie de mesures qu’il vient de prendre ou de proposer :
- création de 8 500 nouveaux postes dans la sécurité et la justice ;
- création d’une garde nationale ;
- pas de réduction d’effectifs dans l’Armée jusqu’en 2019 ;
- déchéance de la nationalité française pour les binationaux en cas de
terrorisme ;
- faire évoluer la Constitution pour permettre au pouvoir public
d’agir conséquemment contre le terrorisme…
Dans le domaine économique, avec l’arrivée d’Emmanuel Valls à Matignon et le débarquement à Bercy du libéral de gauche Emmanuel Macron, c’est un véritable coup de barre à droite qui a été progressivement amorcé par le président socialiste. Avec la nouvelle politique qui se dessine depuis hier, c’est un véritable tour de vis sécuritaire qui se profile et pour un peu on aurait cru entendre Nicolas Sarkozy.
A la sortie d’une audience dimanche avec son successeur, le chef des Républicains, au-delà de l’indispensable union sacrée et du «serrage de coude » en pareille circonstance, n’avait-il pas exigé une inflexion majeure de la politique sécuritaire et étrangère de l’Hexagone, notamment sur le dossier syrien ?
De ce point de vue, les déclarations hollandaises doivent même être allées au-delà de ses espérances puisque c’est un virage à 180% degrés que le locataire de l’Elysée a effectué quand il a déclaré que l’ennemi en Syrie, c’est l’Etat islamique, l’organisation dont la boucherie de vendredi porte la signature.
Cette artillerie lourde sortie par le général Hollande suffira-t-elle pour venir à bout d’un ennemi d’autant plus invisible qu’il peut prendre le visage de monsieur tout-le-monde comme on l’a vu vendredi ? Il faut dire que si rien ne saurait justifier ou excuser cette violence aveugle des adeptes d’un islam dévoyé, l’Occident a souvent été victime de ses propres turpitudes diplomatiques.
Pour ne prendre que les exemples les plus récents, Sarkozy qui joue aujourd’hui les fiers-à-bras n’est-il pas le même qui a mis la Libye sens dessus dessous en exécutant Kadhafi, désarticulant ainsi le pays et permettant à l’EI d’en faire un de ses terrains de jeu favoris en Afrique? Georges Bush, sous prétexte de chercher des armes de destruction massive, n’a-t-il pas désaxé l’Irak qu’il a livré à des hordes de salafistes criminels ?
Pour vendre ses Rafale et autres joujoux de guerre, Paris ne ferme-t-il pas les yeux sur les liaisons dangereuses que certains de ses clients à l’image de l’Arabie saoudite et du Koweït entretiennent avec des islamistes radicaux ?
Cela dit, il faut espérer qu’à trois semaines des élections régionales dans la perspective desquelles gauche et droite se débattaient à qui mieux mieux contre la percée prévisible du Front national, l’horreur de l’autre soir ne sera pas exploitée à des fins électoralistes ; et que la colère légitime des Français ne débouchera pas sur des amalgames , un repli identitaire ainsi qu’un délit de faciès et de patronyme qui donneraient du grain à moudre aux ennemis de la liberté.
Ousseni Ilboudo
L'Observateur paalga |