Les cherche-t-on encore seulement ou faut-il même encore les chercher ? Deux ans après leur disparition, on en vient à se poser cette question au sujet des 276 lycéennes de Chibok dans le nord-est du Nigeria, enlevées par la secte islamique Boko Haram, qui n’avait pas encore fait allégeance à l’organisation Etat islamique. Depuis, plus rien ou pas grand-chose. Elles semblent s’être volatilisées. Mais comment trois cents personnes peuvent-elles disparaître ainsi dans la nature sans laisser de traces, malgré les nombreuses battues organisées pour les retrouver ?
On revoit encore Abubakar Shekau, le gourou de la secte, éructant des monstruosités, promettant de les marier de force à ses combattants ou de les transformer en esclaves sexuelles. Voici que deux ans après ce kidnapping de masse, une preuve de vie des otages est enfin parvenue à leurs familles par le biais d’une vidéo diffusée par CNN, dans laquelle on voit quinze jeunes filles toutes voilées qui disent avoir été parmi les victimes du rapt de Chibok. Des parents auraient même reconnu leurs progénitures dans l’élément, qui date tout de même de décembre 2015.
Elles sont donc toujours en vie. Dieu merci. Mais où ? Dans quel état ? Effectivement transformées en objet sexuel comme l’avait promis le Chacal, ou bien ont-elles subi un lavage de cerveau pour se mettre au service de leurs ravisseurs, victimes potentielles du syndrome de Stockholm ? (1) Il y a quelques semaines, une jeune kamikaze arrêtée le 25 mars au Cameroun n’avait-elle pas affirmé faire partie du contingent de Chibok ?
On ne sait pas si un jour les captives rejoindront les leurs, mais le fait est là, et c’est triste à dire, qu’elles ne semblent plus être un objet de préoccupation majeure. On se rappelle encore la mobilisation planétaire avec le mouvement Bring Back Our Girls auquel des personnalités du monde entier avaient joint leurs voix, à l’image du Pape François, de Michelle Obama, de Christiane Taubira, d’Angelina Joly et du Prix Nobel de la Paix Malala Yousafza. Et puis la mobilisation est retombée. Une actualité chassant une autre, la routine s’est installée.
Mais voilà que depuis mi-janvier, la branche ouest-africaine de l’Organisation Etat islamique aurait pris contact avec le gouvernement nigérian pour discuter d��une éventuelle libération des lycéennes en échange de leurs combattants emprisonnés. La preuve de vie étant une technique bien rodée dans l’industrie du rapt pour reprendre contact et faire monter les enchères en disant «voici ce que vous cherchez», cette vidéo est donc la preuve que l’Etat fédéral exige depuis le début de cette triste histoire avant d’accéder à toute négociation. La vidéo des jeunes captives de Chibok pourrait donc être la preuve de vie pour conclure un marché avec l’administration Buhari. Attendons de voir.
M. Arnaud Ouédraogo
L'Observateur paalga
(1) Le syndrome de Stockholm désigne un phénomène psychologique observé chez des otages ayant vécu durant une période prolongée avec leurs geôliers et qui ont développé une sorte d’empathie, voire de sympathie ou de contagion émotionnelle, pour ceux-ci, selon des mécanismes complexes d'identification et de survie. |