« Eléments manipulés » ; « retranscription falsifiée » ; à des « fins inavouées » ; « calendrier perturbant »… Clément Kanku, qui estime avoir été livré en pâture à l’opinion publique, ne passe pas par quatre chemins pour balayer les graves accusations dont il a été l’objet ces dernières semaines.
Dans un enregistrement tenu jusque-là secret et tombé comme par hasard sur la place publique, figurent deux échanges téléphoniques dans lesquels on entend une discussion présumée entre Clément Kanku et un tout aussi présumé milicien Kamuina Nsapu du Kasaï qui informe son interlocuteur d’une attaque en train d’être menée.
Le New York times avait révélé l’existence de cet enregistrement que contenait l’ordinateur de Zaida Catalan, l’experte de l’ONU tuée, courant mars avec son collègue Michael Sharp alors qu’ils enquêtaient sur des exactions et autres atteintes graves aux droits de l’homme commises dans le Kasaï.
Ce sont d’ailleurs ces investigations qui scelleront leur sort. Le député qui fut ministre de l’éphémère gouvernement Badibanga avait tout de suite nié les faits, promettant une réaction. C’est maintenant chose faite. Interdit de conférence de presse par le procureur de la République, c’est finalement dans la « Libre Belgique » qu’il a exposé son mémoire en défense.
Le natif du Kasaï ne serait donc pour rien dans les violences qui endeuillent, depuis plusieurs mois maintenant, la province congolaise. Est-il donc aussi blanc qu’il le prétend ? Difficile dans ce théâtre d’ombres qui se joue sur les rives du fleuve Congo, de dire qui est qui et qui a fait quoi…
Et sans vouloir l’absoudre à peu de frais, il faut reconnaître une chose, c’est que le timing dans cette affaire est perturbant, pour ne pas dire suspect, quand on sait que les autorités de Kinshasa détenaient par-devers elles les fameuses écoutes depuis août 2016 et que l’intéressé avait dû s’en expliquer devant le conseil national de sécurité qui avait classé l’affaire sans suite.
Pourquoi donc organiser la fuite quelques temps après la mort des deux experts, alors que la communauté internationale pressait Kinshasa de faire toute la lumière sur ces tristes événements. En attendant de savoir si Clément Kanku est coupable ou non, une chose est sûre, il ne veut pas se noyer seul.
Dans son interview, il prend la posture d’un juge d’instruction qui instruirait à charge et à décharge, sans oublier d’assurer sa propre défense, quand il ne se lance pas dans un violent réquisitoire contre l’ancien ministre de l’Intérieur Evariste Boshab qui, en faisant assassiner le chef coutumier alors qu’il avait proposé de se rendre à la Monusco, a, pour ainsi dire, allumé la mèche qui embrase cette partie du Congo.
Clément Kanku, Evariste Boshab… au rythme où vont les choses, on est en droit de se demander jusqu’où ira le déballage. Mais quoi qu’il en soit, on n’est pas plus avancé sur les tenants et les aboutissants de ces tueries à grande échelle.
Alors pour démêler le vrai du faux, pas d’autre option que l’enquête spéciale que demande Kanku, mais qu’exigent les Américains, bien que le procès des 16 présumés assassins des experts ouvert cette semaine avec deux lampistes à la barre a été renvoyé au 12 juin prochain.
Alors on voit mal Joseph Kabila faire droit à ces demandes d’enquête spéciale, car à défaut d’être directement responsables des tueries, les autorités congolaises, en entretenant l’épais brouillard qui entoure cette affaire, auront, à tout le moins, contribué à protéger leurs commanditaires et auteurs.
H. Marie Ouédraogo
L'Observateur paalga |