A l’issue de trois jours de plaidoiries dans le cadre du procès de militaires de l’ex-RSP relatif au projet d’attaque de la Maison d’Arrêt et de Correction des Armées (MACA), le verdict est tombé dans la nuit du mercredi 18 janvier 2017 au tribunal militaire de Ouagadougou. La plus lourde condamnation est de 15 ans de prison ferme.
15 ans, 10 ans et six mois de prison ferme sont, entre autres, les condamnations qui ont été prononcées par le tribunal militaire de Ouagadougou après plus de huit heures de délibéré, le mercredi 18 janvier 2017, dans le cadre du procès inhérent à la tentative de libération des généraux incarcérés à la MACA. Le « cerveau » du projet, le caporal Madi Ouédraogo, le sergent Mahamadi Zallé et Cheick Alassane Ouédraogo dit Ladji ont écopé de 15 ans de prison ferme chacun. Le tribunal a requalifié en complot militaire les faits d’association de malfaiteurs et les a déclarés coupables. Les caporaux Soumaïla Diessongo, Marius Yerbanga, Bapandi Ouoba, Alexis Nogban Mamboné et Yemdaogo Bontogo, les soldats de 1re classe Dramane Coulibaly, Bakary Sanou, Fulgence Koilabour Bassolé, Armand Bassibié Bado et Atina Haro, et les soldats de 2e classe Ousmane Sana, Sékou Tamboura, Loba Kondé, ont été condamnés à 10 ans de prison ferme chacun. Pour leur part, Ousmane sawadogo et Abdel-Aziz Yiougo ont pris chacun six mois de prison ferme.
Pour ce qui du chef d’inculpation « complot militaire », les caporaux Sansan Da et Ibrahim Sanou, le soldat de 1re classe Jean Charles W. Gansonré et les soldats de 2e classe Ousmane Sawadogo, Thierry Ghislain Kaboré et Patrice Coulibaly ont été déclarés non coupables pour infraction non constituée. Le sergent Stanislas Silvère Ollo Poda, le sergent chef Ali Sanou, le soldat de 2e classe Abdel Aziz Yiougo et le soldat de 1re classe, Boureima Zouré, poursuivis au départ pour les faits d’association de malfaiteurs et plus tard pour complot militaire ont également été déclarés non coupables au bénéfice du doute.
Le soldat de 1re classe Jean Charles Wendawaoga a été déclaré non coupable de « détention illégale d’armes à feu et de munitions» pour infraction non constituée. Le tribunal a par ailleurs déclaré non coupable de détention illégale d’armes à feu et de munitions au bénéfice du doute, Gilbert Sibiri Guira.
Un mandat de dépôt a été décerné contre les caporaux Soumaïla Diessongo, et Marius Yerbanga, les soldats de 1re classe Dramane Coulibaly, Fulgence Koilabour Bassolé , Moussa Ouédraogo, Armand Bassibié Bado et le soldat de 2e classe Loba Kondé.
Le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, a signifié aux condamnés qu’ils disposent de cinq jours pour se pourvoir en cassation.
Karim BADOLO
Lassané Osée Ouédraogo
Réaction du ministère public et de la défense
Alioun Zanré, commissaire du gouvernement : «Nous sommes satisfaits»
Le verdict vient de tomber et à notre niveau, nous sommes satisfait. Pour les avocats qui se plaignent de la requalification des faits « d’association de malfaiteurs » à « complot militaire », il faut noter que nous sommes dans un procès et chaque partie développe ses arguments. Ce qui est constant est que la requalification des faits à la lumière des débats est prévue légalement et nous ne voyons pas pourquoi une juridiction ne peut pas requalifier des faits. Dans tous les cas, il y a des voies de recours à cet effet et quand on n’est pas d’accord avec une décision, on est en droit d’user lesdites voies de recours. La Cour a répondu à toutes les questions en disant aux différentes parties qu’elles ont cinq jours pour se pourvoir en cassation.
Me Ollo Larousse Hien, avocat de la défense : «C’est une décision qui contient les germes de sa propre destruction»
C’est avec grande stupéfaction que j’ai écouté la décision qui a été rendue. Je ne peux pas comprendre que le tribunal dise que « l’association de malfaiteurs » est une infraction non constituée et requalifier la même infraction en « complot militaire » et dire que cette infraction est constituée. C’est une décision qui contient les germes de sa propre destruction. Je crois que cette décision ne peut pas résister à un pourvoi en cassation. C’est donc une décision qui sera purement et simplement cassée par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce qui est arrivé vient confirmer un certain nombre de questions que nous nous sommes posées. Quel est l’objectif recherché à travers ce procès ? On a voulu coûte que coûte condamner nos clients. Depuis 16 jours que le procès dure ils n’ont rien pu retenir comme éléments factuels pour pouvoir entrainer la condamnation de nos clients. Vous avez entendu dire lors de la délibération qu’on confisque le scellé pourtant on nous a présenté plusieurs sacs. On a sorti de ces sacs des Kalachnikovs, des grenades, des munitions et des couteaux baïonnettes. Cela veut dire que ce n’était pas des scellés. On se pose la question de savoir qui a manipulé ces sacs pour qu’on vienne aujourd’hui nous parler d’un seul scellé. Il y a beaucoup de choses à dire dans cette décision parce qu’on est venu nous communiquer, à la place d’une décision, un imbroglio juridique. En ce concerne mon client, Bapandi Ouoba, j’ai déjà discuté avec lui et nous allons faire un pourvoi en cassation. En tant qu’avocat, je ne peux pas rester inactif face à une telle décision. Même quand on veut condamner, il faut y mettre la forme. J’avais dit à l’ouverture de ce procès et je le répète que notre droit recule.
Me Arnaud Ouédraogo, avocat de la défense : « Ce procès a accouché d’une énigme »
Ce procès a accouché d’une énigme. Durant l’audience, les non-dits ont été plus nombreux que les dires. Finalement, pendant tous ces longs jours on a construit la procédure sur la base de l’association de malfaiteurs. Jusqu’au bout, nous avons réfuté cette infraction. Pratiquement au dernier jour, les faits ont été requalifiés et nous ne comprenons pas bien à partir de quelle science infuse on a pu faire sortir cette infraction qui est bien plus lourdement condamnée. Nous n’avons eu le temps d’avoir un débat sur cette infraction de complot militaire. Nous prenons acte et respectons la décision qui vient d’être rendue. Je pense qu’il y a un certain nombre de mystères qui restent entiers et ce procès laisse un goût d’inachevé. Jusqu’au bout, nous avons demandé au tribunal d’écarter l’enregistrement clandestin qui a servi de base à la procédure et ce n’est que le jour du verdict que le tribunal a décidé de l’écarter. Le tribunal nous donne raison mais trop tard parce que la procédure a eu le temps de se construire autour de cet enregistrement clandestin. Nous avons cinq jours pour nous pourvoir en cassation, nous allons prospecter toutes les voies de droit avec nos clients. Mais ce qui concerne les avocats commis d’office, notre mission normalement doit s’arrêter à ce niveau. Mais nous rendrons compte à nos clients et nous aviserons.
Propos recueillis par Lassané Osée OUEDRAOGO
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