Le silence assourdissant de sa famille et l’absence de sa veuve, le 2 octobre dernier, lors du lancement officiel des souscriptions pour la construction d’un mémorial avaient suscité moult appréhensions. « La famille serait-elle opposée à l’initiative ? » se demandaient beaucoup. Aujourd’hui, cette déclaration de Mariam Sankara s’apparente à un ouf de soulagement pour les fervents admirateurs du guide de la Révolution burkinabè. Seulement, il y a deux conditions à cette bénédiction familiale : que les commanditaires et les exécutants de cet assassinat soient connus au plus vite et que ce mémorial ne soit pas, et surtout pas, érigé au sein du Conseil de l’Entente.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis, l’assassinat du Président Sankara et de ses compagnons, le 15 octobre 1987, a interrompu une expérience de développement originale et prometteuse de l’histoire de l’Afrique contemporaine . Je tiens à vous remercier de votre soutien à toute la famille Sankara et à moi-même ainsi que de votre fidélité à la mémoire du Président Thomas Sankara.
A travers sa politique, Thomas a défendu, en donnant lui-même l’exemple, des valeurs essentielles telles que l’intégrité, l’honnêteté, l’humilité, le courage, la volonté, le respect et la justice. En mobilisant les différentes composantes de la société, il s’est battu, de façon acharnée, contre la dette, pour le bien-être de tous les Burkinabè, la promotion du patrimoine culturel burkinabè et l’émancipation de la femme. Il a incité ses concitoyens à se prendre en charge pour vivre dignement. Bref, il a refusé la soumission au diktat des plus puissants de ce monde, a pris la défense des plus faibles et des plus défavorisés. Imprégnés de ces valeurs et de ces idées, vous avez, à travers l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, mis fin au régime dictatorial de Compaoré.
Cette insurrection a permis au peuple de reprendre la parole pour exiger, entre autres, la fin de l’impunité, la réouverture du dossier de justice sur l'assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons, celui de Norbert Zongo et tant d’autres. La décision prise au Burkina Faso par les autorités de la transition de rendre enfin justice à Thomas Sankara a suscité un immense espoir au Burkina, en Afrique en général et dans le reste du monde. Mais on est toujours dans l’attente de la justice. La requête de la société civile et des familles est claire. Nous voulons connaître au plus vite les commanditaires et les exécutants de cet assassinat et ceux des autres crimes.
Retarder la quête de vérité, c'est jouer le jeu des assassins de Thomas Sankara et de ses compagnons. Ne pas rendre justice, c'est refuser une sépulture digne à Thomas Sankara et à ses compagnons, c'est empêcher les familles de faire leur deuil. C'est la raison pour laquelle le peuple burkinabè et ses amis doivent rester mobilisés et relancer la campagne pour que trente ans après, justice soit enfin rendue à Thomas Sankara et à ses compagnons. Chers compatriotes, notre famille salue votre initiative visant à ériger un mémorial à la mémoire de Thomas Sankara.
Nous sommes attachés, comme nombre de nos compatriotes, à la défense et à la sauvegarde de la mémoire de Thomas Sankara. Je tiens à saluer cette initiative de la société civile, conduite par l’association CIMTS (Comité International pour le Mémorial Thomas-Sankara). Ce projet de mémorial bénéficie du soutien populaire. Une démarche consensuelle et inclusive devrait permettre de réaliser un ouvrage de qualité qui témoignera de la vitalité des idées de Thomas et de ses fidèles compagnons de la révolution du 4 août 1983.
Toutefois, la famille tient à ce que ce mémorial ne soit pas construit dans l’enceinte du Conseil de l’Entente, qui rappelle de douloureux souvenirs en raison des assassinats et des tortures qui ont marqué ce lieu. Avec toutes ces volontés de valorisation de la mémoire de Thomas observées à travers le monde, on se rend compte avec le temps que Thomas Sankara était un visionnaire. Conscient des actions des détracteurs de la révolution, il savait qu’il était incompris parce qu’il était en avance sur son temps. Il dira alors : « Tuez Sankara, des milliers de Sankara naîtront. »
Cela est devenu une réalité. On constate aujourd’hui que la jeunesse s’imprègne de ses idées progressistes pour transformer la société. Trente ans après sa disparition, la pensée de Thomas reste vivante et d’actualité. Encore une fois, je vous félicite pour votre mobilisation et pour votre fidélité à la mémoire du Président Thomas Sankara.
30 ans de résistance !
30 ans d’impunité !
Rendez enfin justice à Thomas Sankara et à ses compagnons ainsi qu’à toutes les victimes des crimes impunis !
La patrie ou la mort, nous vaincrons !
Je vous remercie.
L'Observateur paalga
Madame Mariam Sankara
Montpellier, le 15 octobre 2017 |