13 morts, 05 blessés graves, c’est le bilan provisoire de l’attaque contre le camp de gendarmerie d’Ayorou au Niger par de présumés islamistes armés samedi dernier ; une attaque que plus d’un observateur estime très osée, car ayant eu lieu dans une zone sous état d’urgence, sur un axe très fréquenté, la route nationale n°1 et à seulement 180 km de la capitale, Niamey.
Pourtant à la mi-juin 2017, l’Etat nigérien avait renforcé la présence des forces de défense et de sécurité dans cette zone frontalière du Mali et procédé à un large ratissage sécuritaire de toute la localité.
C’était compter sans la détermination des partisans d’un Etat islamique dans le Grand Sahara qui écument le nord et le centre du Mali avec des excursions meurtrières au Niger. Ainsi à deux semaines d’intervalle, des groupes armés ont franchi la frontière nigérienne en provenance du Mali à trois reprises. On se souvient que, le 05 octobre dernier, des troupes nigériennes qu’encadrent des forces spéciales américaines étaient tombées dans un guet-apens dans la même région de Tillabéry.
Les combats avaient fait 08 morts, dont 04 soldats américains. Dans ce seul mois d’octobre, c’est au moins 21 militaires qui sont restés sur le carreau côté nigérien avec une bonne douzaine de blessés graves. Etant donné que la situation est loin d’être stabilisée au Mali voisin et que le Burkina est aussi dans l’œil du cyclone, c’est toute la région du Sahel, victime de « l’Internationale terroriste », qui est de plus en plus instable.
C’est connu, la déstabilisation de la Libye est passée par là, et si l’intervention militaire française, sous le couvert des opérations Serval puis Barkhane, a permis d’éviter le pire, la sécurité au Sahel reste une gageure.
La France, l’ancienne puissance colonisatrice, malgré ses efforts, n’arrive pas à bouter ces pseudo-djihadistes hors des pays du G5 Sahel. Plus le temps passe, plus l’hydre s’incruste et le fardeau militaire devient lourd à porter pour elle, tant humainement que financièrement. C’est pourquoi l’Hexagone, après avoir joué au pompier urgentiste, voudrait un médecin traitant à domicile et sur le long terme.
L’idée d’une force conjointe des pays membres du G5 Sahel est née de là. Elle est généreuse dans son fond et sa forme, car elle engage la responsabilité de la communauté internationale et celle des pays affectés par cet islamisme agressif, plus préoccupé par le trafic en tout genre que les conversions des âmes à Allah.
Mais cette idée de Force conjointe du G5 Sahel, si généreuse soit-elle, peine à se matérialiser, pas seulement parce qu’elle coûte cher aux pays de la région, 450 millions d’euros, mais surtout parce que les Etats-Unis de Donald Trump sont dubitatifs sur son bien-fondé et l’ONU n’a pas mis cette force sous le chapitre 7 de sa charte qui aurait permis au Conseil de sécurité de constater « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression ».
La France se voit donc obligée de plaider vivement pour ce soutien indispensable des Nations unies à la Force G5 Sahel, non sans inviter les pays concernés à se joindre à elle dans ses efforts diplomatiques.
La vérité est que les tergiversations de l’Oncle Sam et de l’ONU ne sont pas sans agacer certains pays du G5 sahel comme la Mauritanie et surtout le Tchad, dont les ardeurs antiterroristes ont été refroidies par cette lenteur de la communauté internationale à venir à leur secours. Pire, les Etats-Unis viennent de placer le Tchad sur la liste des Etats qui ne collaborent pas franchement avec Washington dans la lutte contre le terrorisme et ont soumis à restriction les voyages des Tchadiens sur leur sol. Qu’importe !
La France est un avocat teigneux des pays du G5 et elle vient de trouver en Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, un allié de poids : en effet, Guterres se montre de plus en plus convaincu de la nécessité de la Force G5 Sahel, et sous son impulsion le Conseil de sécurité de l’ONU perd peu à peu son scepticisme à ce propos : ainsi du 19 au 23 octobre, les représentants des 15 pays membres du Conseil de sécurité ont effectué une tournée dans les capitales des pays du G5 Sahel avec pour mission d’expliciter les options du Secrétaire général de l’ONU pour soutenir la prise en charge stratégique et matérielle de la Force G5 Sahel.
Cette tournée des diplomates onusiens et les conciliabules qui s’en sont suivis dans les palais présidentiels africains ajoutent à ces « conseils de guerre » contre le terrorisme dans la sous-région ; des « conseils de guerre » interminables, suivis de déclarations de bonnes intentions pendant que les actions concrètes se font attendre.
On en arrive à croire que les politiques passent le temps à bavarder de sommets en rencontres bilatérales ou multilatérales alors que les terroristes attaquent d’une semaine à l’autre un pays du G5 Sahel à l’autre et ce sont les populations qui trinquent.
Il en est ainsi des populations du Soum au Burkina où des villages entiers sont désertés par leurs habitants avec des préjudices énormes causés à la production agropastorale. Des cas similaires sont signalés au Mali, au Niger et au Tchad. C’est le pire pour un citoyen que d’être un réfugié ou un déplacé involontaire dans son propre pays. Vivement alors que les diplomates et les autres hommes politiques sortent de la bulle de leurs concertations à répétition et que s’engagent des actions déterminantes sur le terrain de la lutte contre le terrorisme et les narcotrafiquants de tout acabit qui pullulent au Sahel !
Dans cette perspective, on espère que la résolution du Conseil de sécurité sur la Force du G5 Sahel attendue le 30 novembre prochain ira dans le sens de lui donner le mandat et les moyens d’action pour combattre le terrorisme.
L’E.I. n’est pas sur le point d’être vaincu en Syrie et en Irak par des concertations et des rencontres au sommet. Il a fallu de l’engagement militaire et des moyens financiers colossaux, nettement au-dessus des 450 millions d’euros budgétisés pour la Force du G5 Sahel. A ce propos, les pistes de solution qu’indique le rapport du SG de l’ONU en date du 16 octobre 2017 doivent être élargies. En effet, la Force du G5 Sahel ne saurait se satisfaire d’un simple renforcement des missions de la Minusma. On attend de voir.
Zéphirin Kpoda
L'Observateur paalga |