Le procès du putsch s’est poursuivi le mercredi 18 juillet 2018 avec la suite de l’audition de l’ex-soldat de 2e classe, Seydou Soulama et celle du caporal Hamidou Drabo. Le refus de rejoindre le poste d’affectation à Dori, l’opposition à l’enlèvement d’armes au camp Naaba Koom II après la dissolution du RSP, les conditions de son audition en instruction et le fait qu’il ne montre aucun remords ; tels ont été les points sur lesquels Seydou Soulama a été interrogé le 18 juillet 2018.
L’accusé a déclaré qu’il n’a jamais su qu’il avait été affecté au 11e Régiment d’infanterie commando (RIC) à Dori, car pour lui, c’est habituellement au carré d’armes qu’un soldat de son rang est informé de son affection.
« Regrettez-vous ce que vous avez fait ? », demande le parquet. Comme réponse, l’accusé a expliqué qu’il ne peut pas dire qu’il regrette d’avoir exécuté des ordres de ses chefs. Du reste, il a ajouté qu’au cours de la formation, on ne leur a pas appris qu’il y a des ordres illégaux auxquels il ne faut pas obéir. « C’est à mes supérieurs de savoir s’il y a des regrets. Je ne devais pas être ici pour répondre à de tels problèmes », a-t-il confié.
Réagissant à ces propos, Me Farama de la partie civile a signifié qu’il a l’impression que les officiers formatent les soldats pour malmener les civils. Mais l’accusé reprend qu’il a été formé pour sauver et non faire du mal. Au sujet de son opposition à l’enlèvement des armes, il a laissé entendre qu’à l’arrivée des militaires envoyés à cet effet, lui et ses camarades n’avaient pas reçu d’ordre de les laisser faire. Ils les ont donc fait attendre, le temps que les chefs RSP viennent. Lorsque le parquet lui rappelle qu’il a dit en instruction que normalement, il devait obéir aux envoyés qui sont plus gradés que les chefs-RSP immédiats, il a nié l’avoir affirmé.
Des déclarations « influencées »
Seydou Soulama a dit avoir, dans l’ensemble, fait ses déclarations au juge d’instruction parce que celui-ci promettait de l’aider. Il a, par ailleurs, informé le tribunal que du fait de son inculpation, son père et son frère ont été arrêtés et gardés à vue et qu’il en souffre toujours. Mais le procureur a soutenu que la mise en cause des proches de Seydou Soulama est liée au dossier du Pont Nazinon. Au regard de tous ces incidents en instruction, des avocats de la défense ont conclu que l’audition de certains accusés ne s’est pas passée dans les règles et leurs dépositions sont par conséquent « influencées ».
Le caporal Hamidou Drabo est le deuxième accusé à comparaître le 18 juillet 2018. Prévenu de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, de coups et blessures et de complicité de dégradation volontaire aggravée de biens, il n’a pas reconnu les faits ni aucune de ses déclarations devant les juges d’instruction et la Chambre de contrôle de l’instruction. Sa version des faits est que le 17 septembre 2015, son collègue de même promotion, le sergent Djerma dont le portable était déchargé, l’a appelé avec le téléphone de Koussoubé lui demandant de venir au camp car
« il y a quartier consigné ». Arrivé, a-t-il relaté, il a constaté que le rassemblement est fini et on l’a informé que les autorités de la Transition avaient été arrêtées la veille. Sur le tableau de garde, il a appris qu’il est mis à la disposition du sergent-chef Zerbo avec qui il est allé au studio Abazon et a été chargé de former un cordon de sécurité. Son autre sortie avec Zerbo devait les mener au pont de Boulmiougou auquel ils n’ont pas pu accéder à cause des nombreuses barricades. A ses différentes interventions, il avait sur lui sa dotation : une Kalachnikov et quatre chargeurs dont il n’a
« jamais fait usage ». Caporal Drabo dit à la barre n’avoir pas patrouillé en ville et qu’à la gendarmerie, il a subi des tortures et des insultes.
« Attitude déloyale » du parquet
Il a aussi fait savoir au tribunal que le juge d’instruction lui a dit : « Les gens sont passés ici. Ils ont tout dit. Que tu veuilles ou pas, c’est ça ». Cela aurait contraint l’accusé à signer le PV d’audition sans l’avoir lu et corrigé. Mais pour le parquet, les dépositions de l’accusé en instruction prouvent qu’il a bel et bien participé au coup d’Etat et que ses droits à la défense n’ont jamais été violés. Lorsque le procureur s’est basé sur le primitif de l’interrogatoire à la Chambre de contrôle de l’instruction pour confondre le caporal, la défense a dénoncé une
« attitude déloyale » et soulevé une exception selon laquelle cette pièce qui ne leur a pas été transmise doit être écartée du dossier. Le tribunal a décidé de joindre cette exception au fonds du dossier.
Pour l’avocat de la défense, Me Seydou Roger Yamba, son client est accusé de complicité dans les 4 infractions et non d’en être l’auteur. De ce fait, il a demandé au tribunal militaire de s’en tenir à cela. Me Yamba a en outre reçu le soutien des autres avocats de la défense. Pour eux, aucune disposition légale n’interdit à un accusé de se raviser ou de remettre en cause ses déclarations devant le juge d’instruction. Ils ont battu en brèche l’argument de la partie civile qui a comparé le procès-verbal du juge d’instruction à une parole d’évangile. Me Yamba a enfin demandé des excuses pour le comportement de son client qui, dit-il, est lié à son faible niveau de compréhension du français. L’audience reprend le vendredi à 9h avec l’adjudant Michel Birba.
Jean Philibert SOME &Ali SAOUADOGO
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