L’audience du procès du putsch manqué s’est poursuivie, les 20 et 21 juillet 2018, avec à la barre l’adjudant Michel Birba, le caporal Pascal Moukoro, le sergent-chef Mahamadou Bouda et l’adjudant Ardjouma Kambou, tous de l’ex-RSP. Accusés d’avoir commis un attentat à la sûreté de l’Etat, des meurtres sur 13 personnes et des coups et blessures sur 42 autres, les quatre ont plaidé non coupables.
Les audiences du putsch manqué se suivent et se ressemblent, tant la plupart des accusés rejettent les faits à eux reprochés. C’est le cas de l’adjudant Michel Birba, 53 ans. Il a plaidé non coupable pour les trois chefs d’accusation (attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres sur 13 personnes, coups et blessures sur 42 autres) retenus contre lui. Selon lui, sa mission consistait à ouvrir la portière du véhicule du président Kafando à son arrivée et à son départ du palais. « Chose que j’ai faite à l’arrivée du président avant d’aller patienter dans la salle de repos en entendant sa sortie. Aux environs de 13h30mn, des soldats ont fait irruption dans la salle, m’ont désarmé et m’ont enfermé. Quelques temps après, ils sont revenus me libérer. A ma sortie, je n’ai pas vu le véhicule du président et j’ai trouvé cela anormal. Alors je suis allé à l’information à la résidence parce que beaucoup de soldats y affluaient. Arrivé, j’ai reçu l’ordre du major Eloi Badiel avec d’autres personnes d’aller chercher le général Gilbert Diendéré à son domicile. De retour, j’ai été commis d’office à la garde rapprochée du général », a relaté l’accusé. A l’entendre, il n’a participé ni à des réunions avant ou après le putsch, ni à des patrouilles, encore moins aux saccages de radios et du studio Abazon. Pour le parquet militaire, cela parait suspect car, il est inadmissible qu’un soldat de son rang mis à joug, parte à l’information les bras ballants si toutefois il n’était pas attendu en ces lieux. « En tant que complice, il est allé porter son aide en bon commando aux putschistes. Sinon, il pouvait développer des initiatives tendant à libérer l’autorité », a observé le parquet. A ce propos, l’avocat de l’accusé, Me Zaliatou Aouba, a demandé au parquet et à la partie civile d’apporter les preuves de la culpabilité de son client car pour l’instant, il n’en existe aucune. A la suite de Michel Birba, c’est le caporal Pascal Moukoro qui est passé à la barre. Accusé des mêmes faits que son prédécesseur, le soldat de 28 ans dit être allé au palais le 16 septembre 2015 pour faire du sport et laver sa moto. C’est en route qu’il a été arrêté par des soldats et conduit à la résidence. Ensuite, il a reçu l’ordre du Major Badiel d’aller prendre faction (la garde) sous le hall de la présidence. « Une fois à ce poste, le sergent-chef Ali m’a dit d’aller au parking pour désarmer les chauffeurs et l’équipe de sécurité des ministres », a-t-il soutenu.
« Je n’ai pas saccagé de radios »
« Dans la soirée, le major m’a ordonné de rentrer me doucher et revenir. C’est arrivé chez moi que j’ai appris par la radio que des militaires avaient fait un coup d’Etat. Paniqué, je ne suis plus reparti », a indiqué l’accusé Moukoro. Et de poursuivre que le lendemain, il est allé au service à la présidence et que son adjudant de compagnie, sergent Siriki Traoré lui a dit qu’on avait besoin de jeunes soldats au camp. « Je suis parti répondre. Quelques temps après, le sergent-chef Ali est venu me dire d’embarquer pour le domicile du lieutenant-colonel Céleste Coulibaly parce que des manifestants tentaient de l’incendier. On est arrivé trouver qu’une banquette militaire était déjà sur les lieux », a-t-il précisé. A l’écouter, il n’a participé ni aux patrouilles en ville, ni aux saccages des radios et du studio Abazon. Au regard des contradictions avec ses propos à l’instruction, son avocat, Me Pascal Ouédraogo a demandé de s’en tenir à la seule version donnée à la barre. A sa suite, c’est le sergent-chef Mahamadou Bouda qui s’est présenté à la barre les vendredi 20 et samedi 21 juillet. Accusé des mêmes chefs d’accusation que ces prédécesseurs, il a plaidé non coupable. Toutefois, M. Bouda a fait montre d’une attitude volontariste pour relater les faits. On peut ainsi retenir que c’est de son chantier qu’il a reçu un appel de l’adjudant Nion, le 16 septembre, lui demandant de rejoindre le palais. Une fois sur place, le major Eloi Badiel lui donne l’ordre d’aller préparer une salle pour y mettre des gens qui seront arrêtés. Pendant qu’il s’affairait à trouver une pièce convenable à cela que l’ex-président Michel Kafando, l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac Zida, leurs aides de camp ainsi que l’ex-ministre Augustin Loada sont amenés pour être gardés. Le ministre Réné Bagoro a été amené par la suite. Le lendemain, le sergent-chef Mahamadou Bouda sera chargé de retrouver un technicien de l’Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) dans le but de détecter le lieu d’où émettait la radio de la résistance afin de stopper son émission. Cette déposition de l’accusé a reçu l’assentiment du parquet militaire qui lui a d’ailleurs adressé ses félicitations. Selon le procureur militaire, certains de ses actes pendant les événements prouvent qu’il s’est comporté en bon père de famille. En effet, l’accusé a confié avoir empêché de jeunes soldats de tirer des roquettes (sur la radio Savane FM) et en l’air (pour dissuader des manifestants) pendant ses différentes sorties sur le terrain.
J’étais entre le marteau et l’enclume
Au regard de la cohérence dans la narration des faits, Me Prosper Farama a loué la sincérité du sergent-chef Bouda et l’a invité à rester dans cette logique durant le procès. Quant à son conseil, Me Timothée Zongo, il a mentionné que son client s’est retrouvé à son corps défendant dans les événements et n’a reçu aucun sous malgré le fait que l’argent ait circulé. Après le sergent-chef Bouda, c’est au tour de l’adjudant Ardjouma Kambou, sergent-chef au moment des faits, de passer à la barre. L’accusé a réfuté les trois faits qui lui sont reprochés. Il a expliqué que le 16 septembre 2015, il n’était pas de service à Kosyam. Il était plutôt dans un « grin » de thé au quartier Ouidi et c’est à 16 heures qu’un collègue gendarme l’a appelé pour lui demander s’il avait appris le coup d’Etat. Il fera savoir à ce dernier qu’il l’a appris par la radio et est rentré chez lui. Le 17 septembre, l’adjudant Kambou devait rejoindre la caserne pour relever l’adjudant-chef Méda. Mais arrivé sur place, il a d’abord voulu comprendre ce qui se passe. « On m’a dit d’aller voir le major Badiel et lui aussi m’a référé à Rambo qui m’a indiqué un véhicule en me disant que je suis chef de bord », a relaté l’accusé. Le véhicule en question faisait partie de l’escorte du général Gilbert Diendéré. L’adjudant Kambou a informé qu’il a aussi accompagné sa tante, qui se trouvait être l’ex-Première dame, à la présidence pour qu’elle remette un petit déjeuner à son mari, Michel Kafando (beau-père de l’accusé). Aux dires de l’accusé, après avoir suivi le cortège du général à l’aéroport, à l’hôtel Laïco et chez le Mogho Naaba, il a décidé d’abandonner l’escorte, parce qu’il y avait une crise de confiance entre lui et le sergent-chef Moussa Nébié, alias Rambo. Dans leurs observations, les avocats des parties civiles ont souligné que l’accusé savait que le coup d’Etat était illégal mais a néanmoins tenu à faire partie de l’escorte. « Comprenez-moi, j’étais entre le marteau et l’enclume », a déclaré l’accusé. Son conseil, Me Idrissa Badini a relevé qu’après chez le Mogho Naaba, son client a quitté l’escorte jusqu’à son affectation au camp Lamizana qu’il a rejoint immédiatement. Les quatre accusés ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes et souhaité prompt rétablissement aux blessés. L’audience reprend ce lundi 23 juillet 2018 à 9h.
Fleur BIRBA
Fabé Mamadou OUATTARA
Mady KABRE
Sidwaya |