Saisie de produits périmés : OBOUF rime-t-il avec mal bouffe ? PDF Imprimer Envoyer
Écrit par L'Observateur paalga   
Lundi, 23 Février 2015 08:16

Grosse prise de la Police nationale le jeudi 19 février dernier dans le cadre de la lutte contre la fraude. Dans les mailles de son Unité d’intervention polyvalente, le Groupe Ouédraogo Boureima et Frères (OBOUF). Dans son entrepôt à Gampela, une véritable usine de contrefaçon des dates de péremption de canettes de sucreries a été découverte. La date de péremption de ces boissons en provenance de Tunisie via Lomé, comprise entre 2011 et 2014, était tout simplement effacée à la main grâce à un mélange à base de solvant et remplacée à la machine (la nouvelle date étant fixée à 2016). Une industrie de machination corroborée par la découverte, le lendemain dans un autre magasin du groupe à Cissin, d’un autre important stock de produits alimentaires périmés dont des boîtes de tomate.

«Quand je pense que rien que ce midi, j’ai siroté une canette de coca !» ; bouche bée, ce confrère n’en croit pas ses yeux en pénétrant dans l’entrepôt du Groupe Ouédraogo Boureima et Frères (OBOUF) situé à Gampela, village à la sortie est de la ville, ce jeudi 19 février 2015 aux environs de 19h en compagnie de la Police nationale.

 

«Quand on vous dit que la bière n’a pas que des méfaits», taquine un autre. Dans ce magasin d’une capacité de 1280 tonnes (soit 40 camions de 32 tonnes) plein à craquer, sont entreposées des dizaines de milliers de canettes de sucrerie périmées. Coca, Fanta, Sprite, Cocktail de fruits, Burn, Malta… au total neuf marques de boissons, dont les produits devraient être retirés de la circulation, y sont «recyclées».

«Il y a de cela 5 jours, nous avons été informé par une personne de bonne volonté qui requiert l’anonymat de ce que le Groupe se livrerait à des falsifications de date de produits périmés au niveau de cet entrepôt. Par l’intermédiaire de l’Unité d’intervention polyvalente de la Police nationale (UIP-PN), nous avons investigué et avons pris en flagrant délit les faussaires qui, à l’aide d’un mélange de solvant et d’un produit dénommé Lynx, effaçaient à la main les dates initiales de péremption comprises entre 2011 et 2014 dans un premier temps, puis les remplaçaient à la machine par de nouvelles dates fixées en 2016. Nous avons alors, avec l’accord des autorités, sécurisé les lieux. Des échantillons ont été pris par la Police technique et scientifique pour des tests et le magasin sera mis sous scellés. Une enquête a été ouverte afin de situer les responsabilités», explique le directeur régional de la Police, le Commissaire principal Marcel Paré.

A l’extérieur de l’entrepôt, un gigantesque tas de canettes vides. «Des pertes», selon les policiers. A côté, un camion-remorque en position départ, les portes ouvertes, attendait vraisemblablement son chargement. Entre un et deux camions de ce type seraient chargés par jour de la boisson antidatée.

Depuis quand cette contrefaçon se fait-elle ? «Nous avons trouvé sur place une bonne vingtaine d’employés qui disent être là depuis quatre mois pour les uns, depuis un an pour les autres. Imaginez combien de camions ont inondé le marché depuis !»

D’où viennent ces produits ? De Tunisie via le port de Lomé. Présent sur les lieux d’ailleurs, un jeune homme de nationalité tunisienne qui semble être le maître d’ouvrage. Il prétend pourtant n’être qu’un mécanicien venu réparer la machine qui contrefait les dates.

Il fait néanmoins la démonstration pour le groupe de journalistes et de policiers présents. Le temps d’apprendre qu’un groupe d’une vingtaine de femmes aideraient également au nettoyage des canettes et à l’effacement des dates contre 100 F CFA par pack (de 24 canettes), l’on signale à la Police qu’un autre entrepôt «suspect» du Groupe OBOUF a été découvert dans le quartier Cissin. Nouvelle descente.

Cette fois, l’entrepôt est hermétiquement fermé. «Yaaba OBOUF» et «Soro Salif» ; détenteurs des clés, ne pouvant pas venir car l’une étant «malade alitée» et l’autre «très loin», la Police nationale se résoudra à sécuriser les lieux en attendant le lendemain.

On apprendra par la suite qu’un stock de boîtes de tomate et de bidons PET de Coca périmés y a été découvert le lendemain. 12 personnes dont le représentant du Groupe OBOUF au Burkina, Noufou Ouédraogo (petit frère du P.-D.G. Boureima Ouédraogo) ont été également arrêtées.

Joint au téléphone, le P.-D.G. du Groupe OBOUF, actuellement en Tunisie, nous a référé à son Conseil qui n’a pas souhaité se livrer à nos questions tant que «l’enquête est en cours».

 

Affaire à suivre donc…

Hyacinthe Sanou


 

Afin de cerner tous les contours de cette affaire et de répondre aux interrogations qui ne manquent pas, nous sommes également entrés en contact avec le Laboratoire national de santé publique (LNSP) et COTECNA. «Si c’est pas en début de semaine», nous a-t-on répondu chez les premiers, week-end oblige. Les seconds, eux, ont promis de nous revenir «plus tard», mais jusqu’au moment où nous bouclions cet article, nous n’avions pas de retour.

 

Inspection diurne à Ouagarinter: La douane se… dédouane

Mais comment diable ce genre de produits a-t-il pu passer en douane ? Pour répondre à cette question, nous avons pris attache avec la Direction générale des douanes qui nous a référé au bureau de Ouaga Route. Ironie du sort, lors de notre visite à «Ouaga-Inter» comme on l’appelle communément, le samedi 21 février 2015, nous sommes tombés sur cinq camions du Groupe OBOUF transportant des canettes de sucrerie arrivés la veille et l’avant-veille de Lomé en provenance de Tunisie. Occasion pour nous de faire notre propre… inspection avec l’accord des agents du bureau de douanes qui entendent ainsi démontrer leur innocence dans cette affaire.

«Ouf ! Ça me rassure un peu car ça veut dire que tout n’est pas mauvais quoi! Je t’assure que je n’ai pas dormi depuis qu’on a fait la saisie avec la Police car je ne sais pas combien j’ai payé des canettes de sucrerie pour ma famille, mes enfants ou pour moi.»

Devant les camions (4 contenant des canettes de Coca et un de Fanta) entrouverts, notre collègue photo-reporter ne peut cacher son soulagement. Avec le chef de bureau, Issa Nana, et ses agents, l’inspection par échantillon du contenu au fond comme à l’avant de ces camions a, en effet, permis de noter que ces canettes-ci ne sont pas périmées (la péremption étant fixée à décembre 2015).

Mais quelle est la procédure que suit un tel chargement de produits alimentaires ? Mini cours de procédure en douane avec le chef du bureau Ouaga-Route, Issa Nana, par ailleurs Inspecteur divisionnaire : «La procédure commence à l’entrée du bureau au niveau de la guérite qui réceptionne les camions et les documents. Ils vérifient les documents qu’ils ont sont pour le camion qu’ils ont en face. Après quoi, ils valident le T1 qui est un document de transit pour informer le bureau frontière qui a envoyé le camion que celui-ci est bien arrivé à Ouaga-inter. Dès qu’ils valident, ils donnent également un numéro de prise en charge avant que le camion ne rejoigne le parc. Ce numéro de prise en charge permet au transitaire de venir avec sa déclaration et de l’introduire dans le circuit. Dès que la déclaration est saisie, validée, la machine attribue la déclaration à un vérificateur de façon aléatoire. La déclaration physique est remise au vérificateur désigné qui a deux étapes à remplir. La première, c’est le contrôle documentaire afin de savoir si tous les documents remis sont conformes à la réglementation en ce qui concerne les produits alimentaires notamment les factures, le contrôle phytosanitaire, le Certificat national de conformité, le document du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC), COTECNA. Il vérifie la présence, la conformité et la cohérence entre ces documents. Une fois ce travail documentaire effectué, le vérificateur peut valider la déclaration pour qu’on perçoive les droits de taxes. S’il a des doutes, il peut aller sur le camion accompagné d’un agent. Il fait alors débâcher et regarde si le contenu du camion est conforme à la déclaration. Il peut soit prélever un échantillon pour vérification ou dire au camion d’aller au magasin pour un déchargement total si le doute persiste. Il regarde donc la provenance, l’origine, la date de fabrication, la date de péremption, différentes spécifications qui lui permettent de savoir si les droits de taxes qui seront payés et la valeur déclarée sont conformes à la réglementation. Une fois que tout est ok, l’on perçoit les droits de taxes. Après quoi, l’unité de surveillance prend la déclaration et repart au camion vérifier si le nombre déclaré est conforme au chargement, on met fin au processus par la délivrance d’un BE (bon à enlever) qui permet à l’intéressé de sortir.»

Comment les canettes de sucreries périmées ont-elles pu passer alors en douane ? Les douaniers se… dédouanent : «A ce sujet, nous nous permettons d’émettre une réserve car nous avons tous suivi dans les médias que les canettes ont été retrouvées dans un magasin et non dans un véhicule. Etant donné que les canettes étaient entreposées dans le magasin de l’importateur, nous mêmes nous sommes intéressés par la conclusion des enquêtes de la police qui vont nous dire quelle est la durée de séjour des marchandises au niveau du magasin. A notre niveau, un produit périmé ne peut passer. La question que nous-mêmes nous nous posons c’est de savoir si ces produits étaient déjà périmés à leur arrivée ou est-ce qu’ils se sont périmés au cours de leur séjour en entrepôt. Si la police montre que ce sont des produits qui viennent de rentrer, on verra par quel bureau ces produits sont rentrés et à partir de là, chacun devra prendre ses responsabilités», explique le chef de Bureau Ouaga-Route.


Mais est-il possible de vérifier les dates de péremption de toutes les marchandises qui passent en douane ?

«Certes, il ne nous est pas humainement et matériellement possible de vérifier toutes les marchandises. Nous avons un parc de 300 à 400 camions. Nous ne pouvons donc tout faire décharger pour contrôler les dates de péremption marchandise par marchandise mais nous prélevons toujours des échantillons et nous faisons foi aux documents de provenance. En plus, il y a des mesures de sauvegarde car nous recommandons à ce que chaque vérificateur aille physiquement regarder la marchandise. En plus du vérificateur qui fait la visite, il y a la surveillance faite par nos équipes et les contrôles et tests faits par le laboratoire et le service phytosanitaire. La douane n’est pas une passoire, en plus de la perception des taxes, notre rôle est d’appuyer certains ministères comme celui de la Santé, de la Défense et de l’Environnement, dans le contrôle de la circulation des armes et de la préservation de la santé publique et de l’environnement. Autant d’actions qui nous tiennent à cœur.»

 

S.

L'Observateur paalga

Mise à jour le Lundi, 23 Février 2015 08:37
 

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Nestor BAKI

Sidwaya

 

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