Cher Wambi, Nous voilà donc à l’orée du sipolgo, la saison sèche, puisque les nuages pluvieux se sont éloignés du Burkina, leurs effets bénéfiques avec, nous exposant progressivement aux vents secs qui commencent à se manifester. Alors, comme tu le constates, les relevés pluviométriques, que je te transmettais chaque vendredi, par l’entremise du service Exploitation de la Météorologie, ne figurent pas dans les lignes de cette missive. J’attends maintenant, pour te le communiquer, le bilan de la campagne agricole que les spécialistes en la matière sont sans doute en train d’établir.
En attendant donc le retour de l’hivernage, songe à faire de bonnes provisions de beurre de karité car avec l’harmattan qui commence à souffler, c’est la méningite qui rôde autour du village. Et comme tu le sais déjà trop, l’un des meilleurs moyens de se protéger de cette infection, qui fait chaque année des centaines de victimes, c’est de bien enduire les narines de beurre de karité. Ce n’est certainement pas joli à voir mais ça peut sauver des vies.
Cher cousin, comme tu le sais, depuis dimanche dernier, c’est parti pour la campagne électorale de la présidentielle du 29 novembre 2015. Date à laquelle se dérouleront également les législatives dont la course sera ouverte ce week-end. Avant de revenir dans la capitale pour clôturer en apothéose, la plupart des prétendants au fauteuil de Kosyam parcourent, par monts et par vaux, les coins et recoins du pays pour mieux vendre leurs projets de société. En tout cas pour ceux qui en ont ou ceux qui veulent en faire connaître par le plus grand nombre. J’ajoute cette dernière précision car parmi les quatorze candidats, il y en a un dont l’obtention du programme de gouvernement relève d’une procédure administrative. A un journaliste qui voulait connaître ce qu’il propose aux électeurs, notre postulant à la magistrature suprême a exigé une demande écrite en bonne et due forme. C’est à croire que certains compétiteurs abordent la course présidentielle juste pour allonger leur CV. Mais qu’à cela ne tienne, quelque une semaine après l’ouverture de la pêche aux voix, on est certes toujours loin de l’effervescence politique mais les grands centres urbains, comme Ouagadougou, sont devenus des salons de vernissage à ciel ouvert. Des candidats rivalisant d’affiches, de posters, de banderoles et de flyers pour mieux taper dans l’œil de l’électorat. Normal.
Mais là où le bât blesse, c’est que cette guerre de communication visuelle se mène au mépris des règles en vigueur.
En effet, en application de l’article 69 du code électoral, des lieux publics ont été spécialement aménagés dans les communes pour recevoir exclusivement les affiches et autres banderoles des candidats. En dehors de ces lieux indiqués, tout affichage est interdit et les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 5 000 à 25 000 FCFA, précisent les textes. Mais que constate-t-on ?
Les troncs d’arbres, les feux tricolores, les bâtiments administratifs, les murs des établissements primaires et secondaires sont placardés d’images, soit dit en passant, tellement photoshopées de certains candidats, qu’on les croirait sortis tout droit d’une opération de chirurgie esthétique.
Venant de la part de personnes qui aspirent à la conquête du pouvoir, une telle violation flagrante de la loi laisse perplexe.
Cher Wambi, le moins qu’on puisse dire est qu’elle a respecté le délai qui lui était imparti. Mise sur pied après le coup d’Etat du général Gilbert Diendéré, la commission d’enquête avait en effet un mois pour déposer son rapport. C’est chose faite depuis le mercredi 11 novembre dernier avec la remise du document au Premier Ministre, Yacouba Isaac Zida. Mais si le dead-line comme disent les journalistes a été tenu, le secret, lui, est toujours bien gardé puisqu’on ne sait presque rien du contenu.
C’est tout juste si on sait que 211 personnes ont été entendues par le président Simplice Poda et ses camarades aussi bien les présumés coupables que leurs complices ainsi que les victimes et des personnes-ressources. Pour le reste, motus et bouche cousue.
Comme tu le sais, cher cousin, parallèlement à cette structure administrative, l’instruction a commencé au tribunal militaire et on apprend que le PM, détenu pendant quelques jours par Golf et ses soudards, a été entendu dans ce cadre. La question que je me pose est de savoir si le président Michel Kafando, l’otage le plus emblématique de cette folle semaine de mi-septembre, a, lui aussi, été entendu ou bien l’immunité dont il jouit interdit qu’il le soit, même à titre de témoin.
L’autre question qui taraude mon esprit, cher cousin, c’est l’implication ou non du général Djibril Bassolet, mis en accusation entre autres éléments sur la base de conversations avec Guillaume Soro qui auraient été interceptées par les grandes oreilles burkinabé. Pour Me Varaud, l’un de ses avocats étrangers qui a séjourné récemment au Burkina, le dossier de son client est vide. Pour ses accusateurs en tout cas, Yipènè est mouillé jusqu’au cou. Ceux qui avaient eu accès aux fameuses écoutes affirment d’ailleurs que ça donne parfois froid au dos car lui et ses acolytes auraient même voulu plonger le pays dans le chaos en liquidant notamment « le berger et le fumeur de yamba » (sic) car « tant que ces deux vivront nous n’aurons pas la paix ». Vrai ou faux ? N’étant pas dans le secret des dieux, pour ne pas dire de l’instruction, je ne saurai te le dire. Dans tous les cas, on sera fixé, sans doute situé, au moment du procès.
Cher Wambi, dans mes précédentes lettres, je t’ai d’abord fait part de la collaboration d’un conseiller du CSC avec les putschistes du 17 septembre 2015 aux fins de localiser et réduire au silence la 108.0, «Radio de la Résistance», avant de te préciser plus tard, que la «taupe» n’était autre que Désiré Comboïgo, vice-président de l’instance de régulation des médias. L’intéressé, entendu par la commission nationale d’enquête et déclaré persona non grata par ses collègues, a déserté, depuis, son lieu de travail. Suite à cette absence prolongée, le Collège des Conseillers a procédé au cours de sa session extraordinaire du 06 novembre 2015, à l’élection d’un nouveau vice-président conformément aux textes en vigueur. C’est ainsi que Jean de Dieu Vokouma, seul candidat en lice, a été élu avec 5 voix pour et 3 abstentions, soit un pourcentage de 62,5 %.
Je m’en vais maintenant, cher cousin, t’ouvrir le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.
- Depuis le dimanche 8 novembre dernier, le bal des prétendants du palais de Kosyam s’est ouvert et c’est donc parti pour la guerre des messages. Chacun des candidats prône le changement pour rompre avec le système Compaoré. Cependant, les électeurs sont-ils eux-mêmes prêts pour ce changement ?
En effet, après un meeting à Manga, où il a été applaudi et félicité, avant de reprendre le chemin pour Kombissiri, un des quatorze postulants au fauteuil présidentiel était loin d’imaginer ce qui allait arriver aux hommes de médias après son départ.
Une fois la rencontre terminée dans la cité de l’Epervier, une véritable marée humaine a encerclé le bus qui transportait les journalistes et les artistes, les sommant de mettre la main à la poche. Sinon, pas question de prendre la route comme on dit. Ce fut le début d’une prise en otage «Vous nous faites attendre pour ne rien nous offrir ?» «Sommes-nous des animaux pour attendre tout ce temps et ne rien boire ?» «Nous avons consommé de l’eau à crédit alors il faut payer», entendait-on crier de toutes parts.
Il a fallu qu’un artiste-musicien, qui était avec les hommes de média, casque la somme de 15 000 F CFA pour que le car soit autorisé à bouger.
- L’effervescence électorale constitue de sales temps pour certains hommes d’affaires. Certains politiciens qui n’ont pas les moyens de leurs ambitions n’hésitent pas en effet à user de moyens peu recommandables pour parvenir à leurs fins. C’est ainsi qu’un candidat a tenté d’utiliser habilement l’assise financière d’un opérateur économique de renommée internationale pour instrumentaliser la jeunesse de son parti afin d’obtenir le poste tant convoité et stratégique de Directeur national de campagne pour le scrutin législatif dont la campagne débute ce samedi à 00 heure.
Il prétend ainsi que son bailleur imaginaire lui a promis un financement, tenez-vous bien, de deux milliards F CFA au cas où cette place lui reviendrait. Les dirigeants de ce grand parti, passé à la trappe par la force des choses, ont tout de suite compris le manège insensé de leur camarade d’autant que celui-ci a déjà roulé l’opérateur économique, qu’il cite, dans la farine pour une affaire de soutien sportif.
Car à dire vrai, cela fait des lustres que l’opérateur économique en question et le politicien à la ruse destructrice se sont vus et parlé. Avec des attitudes pareilles, l’on comprend aisément pourquoi la plupart des hommes affaires burkinabè se terrent actuellement en attendant que la situation sociopolitique de leur pays se décante.
Car après avoir subi les chantages des OSC et les assauts répétés de certaines autorités de la Transition, ils sont pris en étau entre des partis diaboliquement conquérants et des candidats ambitieux sans moyens. De braves entrepreneurs ont tant souffert après l’insurrection et le putsch manqué parce que des Burkinabè véreux et sans scrupule ont exploité la situation pour les faire chanter afin de leur extorquer des sous. Au risque de se voir prendre entre deux feux et de subir le courroux de l’un ou l’autre camp, certains opérateurs économiques ont préféré suivre la voie de la sagesse en se tenant loin de cette guéguerre politique malsaine.
- C’est la seule échappée qu’ils auront tentée! Jeudi 5 novembre, après la 7e étape du Tour du Faso entre Bobo-Dioulasso et Banfora, les cyclistes allemands ont décidé de partir seuls pour une petite escapade touristique aux cascades de Karfiguéla. Fatigués de leurs efforts (ou souhaitant s’économiser pour une hypothétique attaque le lendemain sur la route de Dédougou?), ils louent trois motos et filent vers le site. Un peu trop vite sûrement, puisque leur coach se brûle la jambe sur le pot d’échappement de son engin, et devra se faire soigner dans la soirée au CHU de Sya. Après ce léger incident, la virée se poursuit sans ambages, immortalisée par la caméra du longiligne cadreur de la Deutsche Welle qui les accompagne tout au long de la course -l’un des coureurs est également journaliste pour la chaîne allemande.
Les problèmes commencent sur le chemin du retour, lorsque le bus public qu’ils ont emprunté pour revenir à Bobo est arrêté pour un banal contrôle de police. Aucun des six Germains n’a ses papiers d’identité sur lui. Les fugitifs tentent tant bien que mal d’expliquer leur situation. L’agent finit par comprendre qu’ils font partie de la caravane du Tour et, ni une ni deux, décroche son téléphone pour demander au responsable de la sécurité de l’événement s’il est au courant. Nein, répond catégoriquement celui-ci. Après un long sermon des autorités, les imprudents voyageurs seront finalement autorisés à repartir. « C’est inconscient de leur part d’aller ainsi se balader en zone orange sans en avertir personne. S’il leur était arrivé quelque chose, qui aurait été tenu pour responsable? » s’agace un membre du comité d’organisation.
Cette péripétie n’est que l’une des nombreuses tribulations de l’escadron teuton, venu faire du « tourisme sportif » sur les routes africaines. La formation perd effectivement l’un de ses éléments dès la deuxième étape, victime d’un problème gastrique. La seule défection heureusement, jusqu’au départ de Korsimoro pour l’arrivée finale à Ouagadougou, où l’un des équipiers est obligé de se sacrifier pour son leader…qui avait malencontreusement égaré son casque! Bilan : une dixième place individuelle et seulement deux rescapés à franchir la ligne sur l’avenue de l’Indépendance. Mais Dieu qu’ils nous auront fait rire, ces Allemands, avec leur tournée de bières au bivouac et leur pose en boubou blanc sur le podium final!
- Les routes du Faso nous ont apporté cette année encore leurs lots de turpitudes. Au-delà des transmissions de bidons exagérément prolongées ou des écharpes négligemment attribuées à des coureurs hors délai, l’équité sportive de la dernière étape en a laissé quelques-uns dubitatifs. A commencer par le coach ivoirien, Drissa Fofana. L’ancien champion aux mains démesurées n’a pas compris comment plusieurs de ses poulains ont pu être mis hors course, avant même de rejoindre le circuit final dans les rues de la capitale. En effet, ils ont été bloqués au niveau de l’ambassade du Ghana, alors que le peloton passait en sens inverse en entamant sa première boucle, et n’ont pas été autorisés à reprendre leur course-poursuite.
En revanche, le service d’ordre aurait laissé continuer certains concurrents burkinabè, tolérés plus tard par les commissaires lorsqu’ils seront doublés par le groupe maillot jaune -le règlement stipule bien que tout coureur possédant un tour de retard doit être automatiquement disqualifié. Le forfait est difficile à vérifier, mais il est vrai que le classement final interroge : 4 abandons ivoiriens, pour seulement 4 participants burkinabè déclassés -pourtant trois fois plus nombreux sur la ligne de départ… Et que dire du classement général par équipe, qui exclut 5 formations sur 12 (dont les Eléphants de Côte-d’Ivoire), mais consacre le Burkina meilleure nation avec ses trois écuries classées? Drissa Fofana assure avoir saisi le directeur de course. Affaire à suivre…
- Depuis plusieurs jours, des bouchers de la ville de Kaya sont absents de leurs lieux de commerce. Certains hangars ou tables de boucherie ont été ‘’scellés’’ volontairement par les propriétaires.
Qu’est-ce qui explique cette situation dans la cité des brochettes au koura koura ?
Selon certaines informations, les bouchers en fuite exerçaient leur métier en complicité avec des délinquants voleurs d’animaux domestiques. Les délinquants profitaient même du couvre-feu instauré depuis le coup d’Etat avorté du 16 septembre dernier pour accomplir leurs forfaits dans la fourrière communale. Le réseau de ce groupe de voleurs d’animaux a été démasqué en début du mois de novembre par les services de sécurité de Kaya. A en croire les indiscrétions, les délinquants se sont introduits nuitamment dans la fourrière de la mairie de Kaya et ont abattu plus d’une dizaine de bêtes en garde pour divagation. Même les femelles en gestation n’ont pas été épargnées. Ce sont les mouvements d’enlèvement des animaux abattus dans des sacs à l’aide d’une moto qui ont attiré l’attention d’un agent de sécurité. Après une course- poursuite, deux des délinquants ont abandonné leur moto et le sac contenant leur butin. Ce sont les investigations de la sécurité sur cette affaire qui ont amené les bouchers complices des délinquants à s’évanouir dans la nature. En attendant la fin de l’enquête sur cette affaire, une question est sur toutes les lèvres : la viande provenant des animaux volés était-elle comestible?
L'Observateur paalga |