Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, a initié une rencontre d’information avec les populations de Pabré hier 24 janvier 2017 : il s’est agi d’une restitution des résultats de la mission d’investigations sur la gestion des opérations de lotissements et d’attributions des terres de ladite localité, située à la sortie de la capitale sur la RN 22 (Ouaga-Kongoussi). Parmi la panoplie d’irrégularités constatées, l’attribution clandestine de 286 parcelles dans le village de Sabtenga.
La salle des fêtes de la mairie de Pabré a refusé du monde le 24 janvier 2017. Autorités administratives et coutumières, jeunes et vieux ont investi les lieux pour s’imprégner des résultats de la mission d’investigations sur la gestion des opérations de lotissements et d’attributions des terres dans la commune qui compte 28 villages. Cette tâche a été confiée à l’Inspection générale des services techniques du MATDSI, qui a effectué ses recherches sur la période de 2008 à 2014.
L’équipe de trois membres a été dirigée par Saïdou Zetiyenga, inspecteur général des services techniques du MATDSI. Sur la base du document volumineux de plus de 2000 pages, selon l’inspecteur, il a structuré sa présentation de 30 pages en quatre chapitres. Dans le premier point, il a abordé, de manière générale, les normes relatives à la procédure d’autorisation et d’exécution de l’opération de lotissement ou de restructuration. Il en ressort que l’initiative de cette opération peut émaner de l’Etat, notamment du ministère de l’Urbanisme qui informe par écrit le maire de la commune concernée. La volonté de réaliser un lotissement peut venir également du conseil communal qui fait à cet effet une délibération. Il a par ailleurs cité quelques exigences à prendre en compte dans la formulation de la demande de lotissement dans le but d’éviter les sanctions prévues par le code de l’urbanisme et de la construction.
Le deuxième point a fait ressortir les résultats des investigations, caractérisées par de nombreuses irrégularités. «Une inspection technique constate, elle ne suppose pas ; le travail se fait sur la base des documents qu’on nous a fournis», a indiqué d’emblée Saïdou Zetiyenga. Et d’ajouter que la mission n’a pas pu disposer des arrêtés conjoints des ministères en charge de l’Urbanisme et de l’Administration du territoire sur les autorisations de lotissements de Pabré Centre (1998), de Katabtenga (2004), de Sag-nioniogo (2004) et de Sabtenga/Bendatoega (2012). De plus, l’équipe de Saïdou Zetiyenga a noté un non-respect de la procédure de validation des plans de lotissement. Autrement dit, les projets des plans de lotissement de l’extension de Pabré Centre et de Sabtenga/Bendatoega n’ont pas été soumis à la commission communale de l’urbanisme et de la construction pour être validés, et les arrêtés portant adoption des plans n’ont pas été pris et publiés.
Des P-V truffés d’anomalies
En outre, des insuffisances ont été constatées dans l’élaboration des procès-verbaux d’attribution des parcelles à usage d’habitation. «De manière précise, il n’y a pas eu de listes de présence des membres de la commission d’attribution. Des données pourtant censées attester que les sessions étaient effectives», a souligné l’inspecteur général. Il a poursuivi en disant que des procès-verbaux de Pabré Centre et de Sag-nioniogo n’ont pas été signés par tous les membres de la commission, ni datés et encore moins publiés pour répondre au souci de transparence ou celui de permettre aux attributaires de faire des réclamations. Par ailleurs, l’attribution des parcelles dans la localité a sidéré bon nombre de participants à cette rencontre d’information. Des parcelles auraient été attribuées par le maire lui-même que ce pouvoir revient à la commission. «109 personnes ont plus d’une parcelle à Pabré Centre. A Sag-nioniogo on a 13 personnes et enfin 73 mineurs ont bénéficié de parcelles alors que la loi ne le leur permet pas (Pabré Centre)», a indiqué Saïdou Zetiyenga. 8 fractions de terrain auraient été données à Katabtenga sans que les attributaires aient produit des dossiers de demande. « Un lotissement clandestin a été réalisé en 2012, dans le village de Sabtenga, par le maire de l’ancien arrondissement de Sig-Nonghin. L’opération a été faite sur une superficie de 70 ha. Ce lotissement aurait résulté d’une mauvaise appréciation des limites territoriales entre les deux collectivités car le village de Sabtenga relève de la commune de Pabré. Après sollicitation du maire de Sig-Nonghin de concert avec celui de Pabré, un complément d’environ 30 ha est ajouté mais sans marché, soit un total de 286 parcelles», a expliqué l’inspecteur, laissant l’assistance dans la stupéfaction « hum ! hum !» «Nous n’avons rien inventé, tout est sorti des documents que vous nous avez donnés pour exploitation. Il faut des investigations plus approfondies parce que ce que nous disons est en deçà de la réalité», a ajouté Saïdou Zetiyenga.
Le rapport a aussi épinglé l’ancien maire de Pabré, Anatole Désiré Douamba (maire au moment des faits), pour violation de la réglementation en matière de lotissement (Sabtenga) ou pour substitution aux commissions d’attribution des parcelles à usage d’habitation pour attribuer des parcelles. L’ancien maire de l’ex-arrondissement de Sig-nonghin, Tiga Pascal Ouédraogo, est également pointé du doigt pour violation de la réglementation en matière de lotissement dans le village de Sabtenga (commune de Pabré) ou de lotissement «illégal et pirate» pour ne citer que ces faits.
En guise de recommandations, la mission a proposé, entre autres, l’annulation des attributions de parcelles à usage d’habitation, l’annulation du lotissement «illégal et pirate» et le retrait de toutes les parcelles attribuées aux mineurs.
Aboubacar Dermé
«Je vais porter plainte contre vous»
Au cours de la présentation des fiches de demande de parcelles, l’inspecteur a brandi une chemise qui comporte le nom du ministre Simon Compaoré. Celui-ci a nié catégoriquement avoir fait une demande dans ce sens. Et l’ancien maire de Pabré, Anatole Désiré Douamba, de reconnaître qu’il avait écrit le nom du ministre d’Etat sur instruction du MATD. Il a dit détenir la liste des personnalités concernées par la directive qu’il a reçue. Il devait tout simplement œuvrer pour que ces personnalités aient des parcelles car, dit-il, «on était dans le même camp». Voici ce que Simon Compaoré lui a répondu : «Je vais porter plainte contre vous, je n’ai pas de parcelle à Ouaga, a fortiori à Pabré».
L'Observateur paalga |