Il y a quelques jours, la ville de Michika est tombée à son tour dans l’escarcelle de Boko Haram comme si plus rien ne pouvait satisfaire l’appétit expansionniste de la pieuvre salafiste. Hier dimanche, la secte islamiste a lancé une nouvelle offensive contre Maïduguri, la capitale de l’Etat de Borno au nord-est du pays, autant dire une grande ville. Peuplée de près de deux millions d’habitants, cette citée proche du Cameroun et du Tchad constitue le berceau de Boko Haram.
Ce serait la plus grosse prise opérée jusque-là si elle était conquise. Et ce serait grave dans l’évolution de la crise et dans la lutte contre Abubakar Shekau et sa bande, car tant qu’ils mènent des enlèvements et font des attentats, on peut comprendre que les forces nigérianes soient impuissantes face à cette guerre asymétrique. Mais on a du mal à comprendre qu’un grand Etat comme le Nigeria ne puisse pas tenir la dragée haute devant une escouade d’enguenillés, soient-ils suréquipés comme certains le pensent. Jusqu’au moment où nous tracions ces lignes, les troupes de Boko Haram, qui étaient à 3 km de Maïguguri dans la matinée du dimanche, avaient été repoussées selon des sources militaires nigérianes. Difficile d’avoir l’information juste dans cette guerre qui est aussi celle de la communication.
Si d’aventure, les combattants islamistes venaient à vaincre l’armée régulière puis à prendre cette ville stratégique, ce serait un symbole gravissime.
On a l’impression que plus ça chauffe autour de la pieuvre, plus elle devient une bête immonde. La mobilisation internationale semble doper les terroristes qui sont entrés dans une phase d’offensive généralisée contre l’Etat nigérian et ses voisins. Le récent sommet régional de Niamey, l’envoi des troupes tchadiennes et la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA qui sonnait comme un conseil de guerre contre le terrorisme n’ont pas entamé la détermination de Boko Haram. Si la réaction des forces coalisées ne vient pas à bout de la secte, le cancer va se métastaser dans tout le Nigeria et gangrener certains pays voisins qui constituent un terreau pour l’islamisme radical.
Qui donc viendra à bout de l’hydre ? La situation est d’autant plus préoccupante que les autorités fédérales semblent s’occuper plus de l’élection présidentielle prévue mi-février que de la sécurité intérieure.
Or, on ne peut pas organiser de scrutin dans un climat d’insécurité sous peine d’exclure une partie des électeurs. Reste maintenant la création de la force africaine de 7 500 hommes décidée au récent sommet de l’UA à Addis Abeba (Ethiopie) pour traquer les terroristes de Boko Haram.
Mais au-delà des moyens logistiques et financiers pour la mise en œuvre de cette force africaine, l’autre grand problème reste ce nationalisme sourcilleux dont le «Géant aux pieds d’argile» a toujours fait montre dans la guerre contre la secte islamiste. Pour lui, passe encore que le Tchad voisin vienne prêter main forte à un pays frère. Mais accepter volontiers la présence d’une force multinationale sur son sol reviendrait à sonner comme une mise sous tutelle militaire internationale de la première puissance économique africaine. Et qui connaît le souverainisme frileux d’Abuja imagine aisément que la potion de la mutualisation des moyens de lutte sera difficile à avaler.
Adama Ouédraogo Damiss
L'Observateur paalga
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