L’opposition guinéenne se rend à la Cour constitutionnelle comme elle s’est rendu aux urnes : en rangs dispersés. Samedi dernier, dès l’annonce des résultats officiels provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les sept opposants ont décidé de se retirer du processus électoral. Par conséquent, de ne formuler aucun recours contre la victoire, dès le premier tour, du président sortant, Alpha Condé, dont ils récusent pourtant la victoire. Se réservant le droit de porter la contestation dans la rue avec tout ce que cela comporte comme risque pour la fragile paix sociale. Mais la grève annoncée de la Cour constitutionnelle ne sera pas observée à l’unanimité comme elle a été prise.
C’est que quarante-huit heures après cette décision de bouder la voie légale de contestation des résultats provisoires, les uns restent sur leurs positions et les autres commencent à taper à la porte du bureau de Kèlèfa Sall, président de la juridiction en charge du règlement du contentieux électoral.
En effet, Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines (UFR), Lassana Kouyaté, leader du Parti de l’espoir pour le développement nationale (PEDN), Papa Koly Kourouma du parti Générations pour la réconciliation, l’union, et la prospérité (GRUP) et Faya Milimono, chef du Bloc libéral (BL), ont
annoncé leur intention de jouer la carte de la légalité, c’est-à-dire de saisir les neuf « Sages » aux fins d’annulation des résultats proclamés par la CENI. Par élégance républicaine ou par petits calculs politiciens ? Pour sûr, même dans leurs rêves les plus fous, ils ne s’attendent pas à une quelconque annulation de ce scrutin qui donne plus de 57% au président sortant.
En attendant qu’ils soient officiellement proclamé vainqueur le week-end prochain, dernier délai pour la Cour constitutionnelle pour rendre sa décision, c’est le locataire du palais Sekoutoureya qui est sur son gros nuage en train de boire du petit lait.
Une seconde victoire donc pour le président Condé qui saura, qui sait, en temps opportun, être reconnaissant envers ses quatre opposants sur les sept dont le revirement apporte un soupçon de légalité à une victoire arrachée, il faut le reconnaître, au terme d’une élection à l’organisation approximative. C’est pain bénit donc pour celui qui rempile pour un second et dernier mandat.
A moins que les mauvais djinns (1) de la politique ne viennent égarer le professeur comme ils l’ont fait et le font avec de nombreux chefs d’Etat africains qui ont tenté ou tentent de tripatouiller leurs Constitutions à des fins de
règne à vie. Mais ce n’est pas à quatre-vingt-deux ans au terme de deux laborieux quinquennats que le président Condé succombera aux champs des sirènes de la « tripatouillite ».
Mais passons pour se féliciter de ce calme qui règne dans le pays quarante-huit heures après la publication de ces résultats contestés à l’avance par le Poulidor de la politique guinéenne et ses camarades de l’opposition. Pourvu que ce ne soit pas le calme qui précède la tempête.
Alain Saint Robespierre
(1) Mauvais génies en arabe
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