"Ne pas autoriser les contraceptifs revient à s’opposer à l’épanouissement familial"(pasteur Ouédraogo) PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Sidwaya   
Jeudi, 18 Février 2016 09:31

Engagé  dans la lutte contre le VIH /SIDA depuis 1998, pasteur Didier Ouédraogo, responsable  de l’Eglise locale, le temple Shalom à  Tampouy, fait de la santé de l’homme, sa priorité.  En matière de santé, il n’occulte rien,  parce qu’il pense que plus il y a des fidèles en bonne santé, plus ils peuvent se consacrer au Seigneur. Dans cette interview qu’il nous a accordée le 6 février 2016, le pasteur Didier se prononce,  entre autres, sur la planification familiale, l’utilisation des méthodes modernes de contraception et d’avortement.

Sidwaya (S.) : Depuis quand   vous dirigez  le temple Shalom à Tampouy ?

Didier Ouédraogo (D.O.) : Je dirige le temple Shalom depuis neuf ans, mais je suis dans le ministère pastoral depuis bientôt 31 ans. J’étais auparavant au temple Emmanuel aux 1200 logements. Je suis également le  trésorier général du Conseil  national  des évangélistes pour la lutte contre le SIDA et  membre de l’Union des religieux et coutumiers du Burkina (URCB).

 

S. : D’où vient cet  engagement pour la  promotion de   la santé ?

D.O. : Tout est parti d’une histoire sur l’Egypte où un peuple a erré pendant 40 ans dans le désert avant d’arriver à la Terre promise. Je me suis posé la question :  où ils  faisaient leurs besoins ? Dans mes recherches,  je me suis rendu compte que Dieu avait ordonné à chaque père de famille de fabriquer un instrument et lorsqu’un membre voulait faire ses besoins, il creusait un  trou  et  après le refermait. Tout cela  pour éviter les maladies dans la communauté. Je me suis posé la question :  pourquoi moi, je ne peux pas aider ma communauté à se préserver et à se protéger ?

Aussi, j’ai perdu  en 1998, quatre frères et sœurs biologiques des suites  du SIDA. C’était à l’époque où les malades du SIDA étaient stigmatisés. Et je le faisais. Après des formations reçues, je me suis rendu compte que j’étais carrément dans le décor. J’ai dû demander pardon à Dieu pour ce faux jugement. Depuis lors, je  me suis engagé à aider les malades du SIDA.  Je veux que l’homme  aille au ciel mais auparavant, il faut qu’il vive assez bien sur  terre. J’organise  des conférences sur les cancers ; deux fois par an, nous avons des consultations ophtalmologiques. Chaque année, la banque de sang vient faire des prélèvements  dans mon temple.

 

S. : En tant que pasteur,  quelle est votre position ou du moins celle de l’Eglise évangélique sur la planification familiale ?

D.O.: Je suis d’accord pour la planification des naissances et il en est de même pour l’Eglise évangélique. Ce sujet a été débattu au sein des évangélistes par des pasteurs ayant une expérience avérée des questions de santé et  de populations.

La Bible déclare que lorsque Dieu a créé l’homme et la femme, il les bénit et dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre ». Et plus loin, Dieu dit : « et assujettissez-la et dominez-la». On ne peut pas assujettir et dominer  quelque chose que l’on ne contrôle pas. Si l’homme peut assujettir et dominer les poissons de la mer,  les oiseaux du ciel,  le bétail et  tous les reptiles qui rampent sur la terre, j’estime qu’il a une grosse part de responsabilité dans la Planification familiale (PF). Nous encourageons la PF à cause de trois méfaits majeurs. D’abord, la procréation non responsable accroît la mortalité maternelle et infantile. Ensuite, les risques de grossesses précoces, rapprochées, tardives, non désirées, d’avortements provoqués et clandestins.  Enfin, elle handicape lourdement l’ensemble des secteurs de développement socio-économique.

Tandis que la procréation  responsable sauve beaucoup de vies de femmes et d’enfants et améliore la qualité de la vie.  Je reçois des jeunes filles en détresse. Pas plus tard que dans le mois de janvier, j’ai reçu une jeune  fille de Terminale qui venait  d’avorter. Elle avait la conscience chargée, et elle voulait qu’on l’aide afin que Dieu puisse la pardonner.

 

S. : L’utilisation des méthodes  modernes de contraception est-elle autorisée par les évangélistes ?

D.O.: L’Eglise évangélique est ouverte à l’espacement des naissances. Elle ne peut vivre à contre-courant de certaines réalités. Il existe actuellement des méthodes modernes de contraception au service des usagers. A côté des méthodes modernes, il y a aussi des méthodes naturelles de contraception. Dans l’un ou l’autre, chaque méthode contribue à l’épanouissement de la famille. Ne pas autoriser l’usage des contraceptifs revient à s’opposer à l’épanouissement de la famille ; or la Bible est favorable pour une famille épanouie.  Toutefois, il faut se dire que même si les évangélistes sont partants, ce n’est pas à n’importe quel prix. De par les informations que les spécialistes de la santé nous fournissent sur ces méthodes modernes d’espacement des naissances, nous les étudions au cas par cas afin de retenir celles qui sont en harmonie avec nos convictions chrétiennes.

 

S. : Quelle est la méthode recommandée par  l’Eglise ?

D.O.: Nous n’avons  pas  une orientation précise sur une seule méthode  mais de la dizaine  proposée, nous insistons  que les usagers soient informés de l’importance du fonctionnement, des avantages et inconvénients  de toutes les méthodes. La plupart des méthodes sont bonnes parce qu’elles préviennent la survenue d’une grossesse non désirée. Les méthodes que l’Eglise évangélique (EE) autorise sont les méthodes naturelles, hormonales et  les méthodes de barrière, sachant qu’aucune de ces méthodes n’est abortive.  Utiliser une méthode contraceptive qui agit après la fécondation est une contre-indication absolue pour l’Eglise évangélique.

 

S. : Pour un religieux, qu’est-ce- qui peut expliquer le recours à la PF ?

D.O.: La vie humaine est sacrée et  doit être promue dans toute sa plénitude. Le taux élevé de mortalité maternelle au plan national nous effraye. Les statistiques démontrent que   sept femmes meurent chaque jour en couche.  Cela fait mal au cœur que  des femmes  de nos jours perdent  la vie en voulant donner  la vie ;  116 enfants meurent chaque jour et cela nous interpelle en tant que chrétien.

Donc cette option fondamentale recommande aux fidèles de tout mettre en œuvre pour espacer les naissances, en vue de  promouvoir la santé de la mère et de l’enfant.  Ceci dit, pour les Eglises évangéliques, la vie humaine est sacrée et l’homme est créé à l’image de Dieu. C’est pourquoi  Dieu interdit le meurtre. Nous considérons l’avortement comme un meurtre. L’homme est responsable vis-à-vis de l’autre et nous voulons que cela soit compris dans notre communauté ; c’est ce qui donc justifie,  entre autres, le recours à la PF.

 

S. : En ce qui concerne les jeunes filles et garçons non mariés, quel est votre discours ? L’abstinence avant le mariage, est-ce réaliste ?

Nous conseillons l’abstinence. A mon avis, ce discours est réaliste. Dieu  ne nous impose pas des choses que nous ne pouvons pas accomplir. Il y a   des filles et des garçons qui vont jusqu’au mariage sans connaître de rapports sexuels. La jeune fille doit se patienter et attendre le mariage pour avoir une union sexuelle. Cette attente est importante si elle veut réussir son bien-être familial car elle permet à la jeune fille  d’être mûre physiquement, socialement et spirituellement. Le message est réaliste car toute autre aventure peut être très risquante pour la jeune fille. N’oublions pas que  lorsque l’on dit  tel père, tel fils, telle  mère, telle fille, il faut que les parents donnent l’exemple.

 

S. : Selon une étude de l’ISSP, le Burkina enregistre 105 000 cas d’avortements clandestins par an avec souvent des décès de la mère. Des voix s’élèvent   dans le monde pour soutenir la  légalisation de l’avortement. Votre avis ?

D.O. : Il faut dire qu’on a la chair de poule en écoutant ces statistiques effroyables. Si le Burkina enregistre 105 000 cas d’avortements clandestins par an avec souvent des décès de la mère, c’est parce qu’il y a des contrevenants. L’homme de nature a parfois cette manie d’outrepasser les interdits que l’on lui soumet. Ce n’est pas pour autant qu’il faut abroger toutes les lois parce que l’homme ne les observe pas. Pour ce qui est de l’avortement, on ne peut pas le légaliser parce que l’interdiction a été instituée par Dieu lui-même, parce que c’est un péché et Dieu n’aime pas le péché.  Légaliser l’avortement aujourd’hui, c’est ouvrir les vannes à plus de déviations.

Que parents et enfants aient un cadre de discussion, de sorte à ce qu’il n’y ait   plus de  blocage. A partir  par exemple d’un film que vous  suivez, vous pouvez engager une discussion avec votre enfant sur les grossesses non désirées ou sur la sexualité.

 

S. : Lors de vos prêches, comment faites-vous la sensibilisation ?

D.O.: Ce volet fait partie des curricula de formations des pasteurs où les questions de population y compris la procréation responsable y sont développées. Ces thèmes sont abordés dans nos églises. Nous parlons aux fidèles des avantages de la planification familiale et les conseillons de recourir aux personnels de santé pour de plus amples informations. Nous encourageons les membres à communiquer aussi bien entre parents mais aussi avec les enfants.

 

S. : Pourquoi le mariage des filles ayant eu des rapports sexuels ou  des enfants avant le mariage se fait à l’extérieur des temples ?

D.O.: Il faut dire que le problème ne concerne pas seulement que les filles mais prend en compte les garçons qui vivent cela. Je dois souligner que cela n’est pas  statique, on étudie chaque dossier au cas par cas. Il y a des jeunes qui ont eu des pratiques sexuelles avant leur conversion à Christ, la décision de célébrer le mariage à l’intérieur ou à l’extérieur est laissée à la discrétion du pasteur de l’Eglise. Généralement, ce type de mariage se fait à l’intérieur du temple.  Le fait de savoir que le mariage dans l’église est un honneur réservé à celles et ceux qui n’ont pas connu de rapports sexuels  peut être un stimulus pour les  jeunes sincères et craignant Dieu pour qu’ils demeurent dans la chasteté jusqu’ au mariage. C’est vrai que de nos jours, il y a des voix qui s’élèvent pour défendre le contraire mais moi je reste convaincu que l’esprit de l’idée au départ n’était pas mauvaise en soi.

 

Interview réalisée par Boureima SANGA

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Sidwaya

Mise à jour le Jeudi, 18 Février 2016 09:49
 

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Nestor BAKI

Sidwaya

 

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