Chapeau de Saponé : Un ambassadeur de la culture burkinabè PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Sidwaya   
Jeudi, 09 Février 2017 08:26

Les chapeaux de Saponé, confectionnés à une trentaine de km au sud de Ouagadougou, se vend aisément aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina. Zoom sur le processus de fabrication et de distribution de cet historique objet artisanal qui fait la fierté du « pays des Hommes intègres » dans le monde entier.

Fibre de bèringa (le da), kansé ou paille, peau tannée tels sont les matériaux utilisés dans la confection du chapeau de Saponé, devenu aujourd’hui, à l’instar du Faso dan fani, l’une des marques de l’identité culturelle burkinabè à travers le monde. C’est coiffés de ce chapeau que les danseurs de la chorégraphe, Irène Tassembedo, ont tenu le public en haleine, lors de l’ouverture du dernier Festival panafricain du cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) qui s’est déroulé du 28 février au 7 mars 2015. C’est également ce même chapeau qu’arborait, en 1998, la mascotte de la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) au Burkina Faso. Aujourd’hui, le chapeau de Saponé est vendu dans les grandes villes burkinabè comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Et pas un touriste étranger de passage à Saponé ne quitte ce village, sans en emporter un ou plusieurs. Sa confection s’effectue aujourd’hui dans neuf villages sur les trente-huit que compte la commune rurale de Saponé. Des hommes et femmes de tous âges, l’exercent comme profession et pour certains, de génération en génération. Selon Monique Nikièma, une fabricante, la confection du chapeau de Saponé comporte plusieurs étapes allant de la fabrication des ficelles à l’obtention du produit fini.

 

La première étape est la fabrication du chapeau à l’état brut. Ce sont, en grande partie, les femmes et les enfants qui confectionnent le chapeau à cette étape. Les femmes, une fois les fibres obtenues, commencent leur travail avec le ‘’sigbu’’, étape au cours de laquelle l’on apporte à la charpente du chapeau, du renfort en ficelles. «Il faut en ajouter pour rendre plus large la constitution physique», précise madame Nikièma. Pour elle, au moment d’achever la confection  d’un chapeau brut, on le libère de ses ficelles. La confection est une activité de partage, selon Monique Nikièma. «On peut utiliser des restes de ficelles de chapeau d’autres confectionneurs pour finaliser la confection d’un chapeau dont les ficelles ont manqué», déclare-t-elle. Mme Nikièma soutient que l’activité n’est pas du tout repos. Pour elle, il faut souvent trois jours pour fabriquer un chapeau.  La deuxième étape de la confection du chapeau est l’habillage. Ce sont les hommes qui assurent généralement cette tâche. «Pour habiller un chapeau, il nous faut de la peau tannée de Pouytenga à raison de 750, voire 2000 ou 5 000 F CFA, selon le modèle de chapeau et en fonction de la commande», confie le confectionneur, Adama Compaoré.

 

Une activité qui nourrit son homme

La confection du chapeau de Saponé est une activité dont les retombées économiques ont un impact positif sur la vie des acteurs du domaine. Elle est une source de revenus et participe à la vitalité économique de la région comme le souligne, Alphonse Ouédraogo, artisan de chapeaux de 70 ans. «A mon enfance, les revenus du chapeau nous permettaient de payer l’impôt de capitation. Aujourd’hui, le chapeau a encore une grande importance économique», explique le septuagénaire.

Né à Saponé, Etienne Tiendrebéogo fabrique en permanence les chapeaux. « Cela fait 30 ans que je confectionne le chapeau de Saponé qui est pour moi une source de revenus. La vente des chapeaux me permet de subvenir à mes besoins élémentaires et de mettre mes enfants à l’école», confie-t-il. Quant à Monique Nikièma, elle dit exercer le métier de chapelier de façon périodique parce qu’en saison hivernale, elle se consacre aux travaux champêtres. A l’en croire, l’activité de confection et de vente des chapeaux a un impact, car participe à la réduction de la pauvreté. «En dehors de l’agriculture, la fabrication du chapeau constitue, pour nous, une activité majeure et une source de revenu familial», soutient-elle. Awa Nacoulma, vendeuse d’objets d’art au grand marché de Ouagadougou dit avoir hérité de la vente des chapeaux de Saponé de son père, après avoir abandonné l’école. Selon elle, le prix d’achat va de 2000 F à 6000 F CFA avec les confectionneurs de Saponé. «Pour la revente, nous n’avons pas de prix fixe. Il varie entre 4000 F et 7 500 F CFA et parfois  17 500 F CFA. Cela dépend de la nature du client»,  fait savoir Mme Nacoulma. La revendeuse ajoute que c’est lors des journées traditionnelles des élèves qu’elle fait de bonnes affaires, parce qu’elle peut en vendre 30 par jour, voire plus, surtout les chapeaux pour enfants. Lors du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) et du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), elle confie avoir des stands d’exposition où les chapeaux sont vendus souvent aux grossistes. Quant à Issa Soré, il vend les chapeaux de Saponé depuis 1999 au grand marché de Ouagadougou. A la suite de l’incendie du marché en 2003, il s’est installé à proximité du lycée Philippe-Zinda-Kaboré. Il dit avoir des fournisseurs fidèles qui viennent souvent lui livrer les chapeaux. Pour lui, la fixation des prix de vente chez les confectionneurs est liée aux calamités naturelles que sont les feux de brousse et les inondations qui ravagent les pailles (kansé) servant à tisser les chapeaux, explique-t-il. C’est ainsi que les chapeaux de 2 000 F CFA sont alors revendus entre 4 000 F et 6 000 F CFA aux touristes contre 2 500 F ou 3 000 F aux nationaux. Pour M. Soré, le report du SIAO 2014 a causé d’énormes pertes pour les artisans, car certains avaient déjà payé la totalité du prix de la location des stands d’exposition. Assami Ouédraogo, revendeur d’objets d’art, assure la relève de sa maman, revendeuse de chapeaux depuis une vingtaine d’années au grand marché de Ouagadougou. Ses articles, fortement demandés au Niger, se trouvent à Saponé ou au grand marché de Ouagadougou à des prix variables en fonction de la taille, de la qualité et de la quantité achetée.

 

La fierté de tout un pays

Pour le gestionnaire du Village artisanal de Ouagadougou (VAO), Maurice Sama, les chapeaux de Saponé sont des produits artisanaux et culturels très importants au Burkina Faso. Ils font la fierté des ressortissants de Saponé et de tous les Burkinabé. Il est authentique. A l’international, il symbolise le Burkina Faso. De nombreuses associations utilisent le chapeau de Saponé également pour leur logo.

«Nous avons intégré le chapeau dans le logo de notre association dénommée ‘’Association Vive le paysan’’ pour signifier que nous sommes des enfants du terroir », soutient le Tang Sèg Naaba de Saponé. Selon  Assami Ouédraogo, les Européens apprécient bien les chapeaux de Saponé et s’en procurent lors du SIAO et du FESPACO pour marquer leur passage au Burkina Faso. Bien que le type de chapeau de Saponé existe dans d’autres pays comme le Niger et le Mali, le « Saponzugpéogo » est propre au Burkina et en est un ambassadeur. Il est tout à fait particulier et unique en son genre. « Le chapeau de Saponé est une manière d’exprimer notre culture, une opportunité de révéler l’identité du Burkina à l’extérieur. Après les compétitions internationales, lorsque nous donnons un de nos chapeaux à un étranger, nous sentons vraiment une immense joie en lui », indique Evrard Anayan du ministère des Sports et des Loisirs.

 

La matière première se raréfie

Malgré l’importance du chapeau de Saponé dans le tissu économique et culturel de la région, voire de tout le pays, les acteurs du domaine rencontrent aujourd’hui d’énormes difficultés. Pour le gestionnaire du Village artisanal de Ouagadougou (VAO), Maurice Sama, la matière dominante du chapeau qui est le kansé, autrefois disponible, est en voie de disparition dans la zone de Saponé. Déjà, dans les années 1970 ou 1980, pour avoir la matière première, il fallait parcourir plus de 100 kilomètres pour aller la chercher dans la zone de Boromo. «Nous allions même à pied chercher le kansé. Et nous n’avions comme provision, que de la farine pour la route », se souvient l’ancien fournisseur de kansé, Henri Ouédraogo. Selon Jean-Baptiste Konvolbo, fournisseur de kansé, lui aussi, aux débuts des années 1970, on en trouvait gratuitement à Bondokuy. Mais déjà en 1983, il fallait payer pour s’en procurer. Et sur le chemin du retour, il fallait jouer à cache-cache avec les forestiers. A Bondokuy, le prix à payer est vite monté à 5000 F CFA. De nos jours, la situation n’est guère meilleure, elle est même pire. « Nous ne pouvons plus avoir le kansé à Bondokuy. Les forestiers y veillent sévèrement alors que nos chapeaux nous rapportent aussi... », souligne Jean-Baptiste Konvolbo. Avant de conclure: «Au Ghana, nous payons pour avoir accès au site de kansé. Deux ou trois jours suffisent pour rassembler la quantité voulue. On y rencontre moins de problèmes. En route, nous dormons souvent sous les arbres ou des tentes construites, mais le Ghana est si loin». La disparition progressive du kansé qui est la matière première dominante du chapeau joue beaucoup sur l’activité des confectionneurs. «Ils vendent quelques tiges de kansé à 100 F CFA. Ce qui ne suffit pas pour un chapeau. Le manque de «kansé» est pour nous une grande préoccupation», ajoute Monique Nikièma, spécialiste du chapeaux. En plus de la disparition progressive de la matière première, l’on déplore un manque d’organisation des artisans. Agriculteur et membre d’une association de fabricants de chapeaux à Saponé, Adama Compaoré s’étonne que leurs produits soient aussi prisés alors que les confectionneurs n’en voient pas toujours les retombées financières. «Notre travail est bien connu, mais notre association est peu efficace parce qu’il nous manque certaines compétences. On aimerait aussi bénéficier d’appuis de partenaires pour mieux faire valoriser notre travail», plaide le jeune artisan. Pour lui, il est déplorable de voir les autorités remettre des chapeaux de Saponé en guise de cadeaux à des amis du Burkina alors qu’ils sont achetés à vil prix chez les artisans. En l’absence d’une organisation solide, c’est individuellement que les artisans s’arrangent pour l’écoulement de leurs produits. Adama Compaoré souhaite la mise en place d’une association forte pour pouvoir vendre eux-mêmes leurs produits. «Sinon nos chapeaux seront toujours acheté à vil prix par des commerçants qui vont les revendre cher pour en tirer des bénéfices», se lamente-t-il. Pour pallier le manque de matière première qui compromet l’avenir de l’activité autour du chapeau de Saponé, Adama Compaoré pense qu’il faut penser à régénérer le kansé en le replantant et en créant des sites de conservation ou de production permanentes. Pour cela, il souhaite que les chapeliers bénéficient de l’accompagnement du ministère en charge du Commerce et de l’Artisanat et de celui de l’Agriculture. D’autre part, il préconise aussi tous les deux ans, l’organisation à Saponé, de la foire du chapeau et de ses produits dérivés avec l’accompagnement du ministère du Commerce.

 

Florence OUEDRAOGO

---------------------------------------------------------------------------

Des origines du chapeau de Saponé

 

Les origines du chapeau de Saponé remontent au XIVe siècle. Ce produit artisanal typique à la commune rurale de Saponé est devenu un emblème national et tire son origine lors de l’intronisation de Naaba Kouda, neuvième empereur mossi et fils de Naaba Koudoumié. Selon le Tang Sèg Naaba de Saponé, après la mort de Naaba Koudoumié vers 1358, plusieurs troupes d’hommes, sur décision du Conseil des notables de Ouagadougou, ont rejoint le fils du défunt chef dans ses conquêtes vers le Sud. L’ordre a été donné de lui raser la tête, là où on le retrouverait. Le fils de Naaba Koudoumié fut ainsi retrouvé sur le site actuel de Saponé-Marché. Le nom Saponé provient de la cérémonie du rasage de la tête de celui qui allait devenir désormais le nouveau chef. Ce rituel de rasage marque son intronisation avec comme nom de guerre Naaba Kouda. De nombreux habitants de Saponé se réclament de sa lignée. C’est ainsi que la coutume s’est perpétuée. Saponé tire donc son origine de l’expression en mooré « Sân n ponê» ce qui signifie «si on le rase…» (sous entendu, qu’il soit intronisé). Pour le Tang Sèg Naaba, après son intronisation, le nouvel empereur émet le vœu de voir sa tête protégée contre le soleil d’où la confection d’un chapeau qui porte le nom «chapeau de Saponé» en mooré «Saponzugpéogo».

 

FO

Sidwaya

Mise à jour le Jeudi, 09 Février 2017 08:30
 

Suivez-nous sur Facebook

Suivez-nous sur Twitter

Dans le monde

News Monde | Actualités & informations - Yahoo Actualités FR
Retrouvez toutes les news Monde sur Yahoo Actualités France. Suivez 24h/24 toute l'information locale et mondiale.

Contactez Fasopresse

 

Pour des requêtes d’informations ou des besoins d’insertions publicitaires, vous pouvez nous joindre en envoyant un mail à l’adresse suivante :

E-mail: [email protected]

 

Recherche

Annonces et agenda

17e édition de la Journée nationale du Paysan: Le comité d’organisation à pied d’œuvre

Le ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire(MASA), Mahama Zoungrana, a installé le 13 janvier 2014, à Ouagadougou, le comité national d’organisation de la 17e édition de la Journée nationale du paysan(JNP), prévue pour se tenir du 3 au 5 avril 2014 à Fada N’Gourma. A moins de trois mois de la tenue de la 17e édition de la Journée nationale du paysan (JNP), les membres du comité national d’organisation ont été installés le 13 janvier 2014 par le ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire (MASA) , Mahama Zoungrana.

Lire la suite...
 
JPEX 2013 : Journée Parcours de l’Excellence, 2eme édition

Dates et lieu: Ven. 6 décembre et sam. 7 décembre 2013-11-13 à l’Ambassade du Burkina Faso - 159 Boulevard Haussmann, 75008 Paris

Thème : « Emploi et Investissement en Afrique : Les perspectives d’un développement durable »

Pour plus d’informations, voir : www.laceb-agora.com

Lire la suite...
 
De l’huile frelatée saisie

Il n’y a pas longtemps, des bidons d’huile frelatée ont été saisis par les forces de police à Bobo-Dioulasso. Une opération du même type à Ouagadougou a aussi permis de mettre le grappin sur des bidons d’huile de vidange distillée et destinée à la consommation. Ces produits impropres à la consommation sont dommageables à la santé des consommateurs. Les impuretés peuvent s’accumuler dans les vaisseaux sanguins, s’attaquer au foie et prédisposer les consommateurs aux maladies cardiovasculaires. Ces deux saisies ne sont pas des faits isolés et en appellent à plus de ténacité dans la lutte contre la contrefaçon des produits alimentaires. C’est le lieu d’inviter les consommateurs à plus de vigilance et à collaborer avec les services impliqués dans la lutte contre ces produits illicites, car il y va de leur santé.

Nestor BAKI

Sidwaya

 

Bannière 2D Solutions

Bannière

Petites annonces

Bannière

Meteo

Prévisions météo Ouagadougou