« Kidal est malien, je suis contre l’indépendance et même l’autonomie ». C’est ce qu’a déclaré ex-cathedra Mohamed Ag Intalla, du nom de ce chef élu par les sages de l’Adrar des Ifoghas dans le Nord-Mali. Et d’ajouter : « Il faut faire la paix. Il faut parler entre Maliens pour savoir comment on va tous profiter du développement (…). Il y aura une mission à l’intérieur de la région de Kidal. La même mission ira dans la région de Gao pour sensibiliser la société civile, pour prôner la paix ». Pour une victoire, c’en est une pour les autorités de Bamako qui, mieux que quiconque, doivent pavoiser à juste titre ; elles qui ont toujours prôné l’unicité et l’indivisibilité du territoire malien. Car, en faisant une telle sortie, Mohamed Ag Intalla n’a pas trahi la mémoire de son défunt père qui, on le sait, n’avait jamais approuvé le projet sécessionniste des groupes armés, avec à leur tête le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
C’est tout à son honneur, surtout qu’il est allé plus loin, en donnant une position claire qui, on l’imagine, donnera de l’urticaire à tous les mouvements irrédentistes qui veulent faire de Kidal un Etat dans un Etat. C’est un acte de courage, quand on sait que le nouveau chef coutumier prend là un gros risque.
Car, faut-il le rappeler, Kidal où réside Mohamed Ag Intalla, est contrôlée par les éléments du MNLA qui y font la pluie et le beau temps. Oser donc contredire la pensée des maîtres des lieux, est un véritable signe de bravoure et de témérité, surtout que, poussant plus loin l’ironie, le chef propose que Kidal devienne même la capitale malienne. Toute chose qui pourrait irriter outre mesure les groupes armés qui considèrent Kidal comme leur fief où ils ont même interdit de séjour les autorités de Bamako. Et ce n’est pas l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, qui y avait tenté une excursion, qui dira le contraire ; lui dont l’avion avait failli essuyer des tirs de roquette, et qui, sentant le danger proche, a dû se raviser.
Les autorités de Bamako ont su se montrer solidaires du nouveau chef de la tribu des Ifoghas
De toute évidence, on imagine mal le MNLA et ses alliés rester les bras croisés, suite à la déclaration de Mohamed Ag Intalla qu’ils auraient plutôt aimé avoir avec eux que contre eux. Cela d’autant que cette prise de position intervient au moment où ils enregistrent de plus en plus de défections dans leurs rangs. Ce qui les affaiblit davantage. Déjà, peu avant cette sortie, certains mouvements d’autodéfense s’étaient démarqués du projet indépendantiste des groupes armés, réaffirmant leur soutien indéfectible à Bamako. En fait, on voyait venir les choses. Les autorités de Bamako ont sans doute su mener un important lobbying. Car, en plus d’avoir suscité la création de milices acquises à leur cause, les autorités de Bamako ont su se montrer solidaires du nouveau chef de la tribu des Ifoghas. On l’a vu lors des obsèques du défunt chef ; s’attirant ainsi la sympathie d’une bonne partie de la communauté touarègue. En tout état de cause, la déclaration du nouveau chef de la tribu des Ifoghas ne sera pas sans conséquence sur les irrédentistes du Nord-Mali, dans la mesure où elle intervient au moment où se tiennent les pourparlers intermaliens à Alger, qui rejettent toute partition du pays. A cela s’ajoute le contexte mondial et sous-régional marqué par la lutte contre le djihadisme qui connaît, depuis lors, un tournant décisif avec, de part et d’autre, la mise en place de forces coalisées.
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