« Au titre du ministère de la Sécurité, le Conseil des ministres du 24 mai 2017 a adopté un rapport relatif à l'organisation d'un forum national sur la sécurité. Ce forum vise à faire un diagnostic de la sécurité intérieure en vue de proposer des solutions pour résoudre durablement le problème de l'insécurité au Burkina Faso. »
Cinq mois exactement après cette décision, la rencontre se tient effectivement du 24 au 26 octobre 2017 à Ouaga 2000.
« Encore un FORUM ! » sommes-nous tenté de dire.
Loin de nous l'idée de présager à cet instant les résultats, les recommandations et les actions qui seront préconisées. Depuis que les terroristes ont constamment « la Patrie des hommes intègres » dans leur ligne de mire et que les attentats, les attaques de détachements militaires, de brigades de gendarmerie, de commissariats de police, de postes de douane ainsi que les assassinats ciblés et les enlèvements sont en passe de se banaliser, la sécurité est en effet devenue le souci majeur de l’Etat et des citoyens, qui n’en finissent pas de pleurer leurs enfants injustement fauchés par ceux qui nous imposent cette sale guerre.
Si bien que toutes les idées, les « mesurettes » et les replâtrages susceptibles d’endiguer le fléau ont été expérimentés avec plus ou moins de bonheur. Quoi de plus normal donc qu’une large concertation pour espérer venir à bout de l’hydre tentaculaire dont les têtes repoussent aussitôt qu’on les a coupées ?
Mais quelqu'un peut-il nous dire combien de fora ont été organisés dans divers domaines dans notre cher Faso ? Quels en étaient les thèmes ? Quelles en furent les conclusions et les recommandations ? Quel sort leur fut réservé ? Et peut-être combien nous coûtèrent-ils ?
Pour ne pas remonter à Mathusalem, on se rappelle le forum sur les lotissements dont les résultats ont été jetés aux orties puisqu'une commission parlementaire a ensuite été créée, qui a enquêté et épinglé des fautifs, et une structure nationale présidée par le PM lui-même a été mise en place pour le suivi des recommandations qu’on attend toujours.
On se souvient aussi du forum sur le civisme et la citoyenneté organisé par Auguste Barry sous la Transition. Qu'a-t-on fait de ses résolutions alors qu’il nous est loisible de constater chaque jour que l’incivisme est toujours le sport favori des Burkinabè ?
Et voilà que rendez-vous est pris cette fois pour tenir un forum sur la sécurité intérieure. Rien de moins !
Dites-moi, bonnes gens (parce que nous, on n’y comprend pas grand-chose), a-t-on besoin de réunir publiquement des gens pour «une large concertation » sur la sécurité intérieure ?
Et nous qui croyions naïvement que l'Etat, avec les impôts que nous consentons et quelquefois avec l'appui des Partenaires techniques et financiers, payait des fonctionnaires et des spécialistes pour assurer notre sécurité ! Ce forum est-il un aveu d'impuissance et de l’atteinte des limites de leurs compétences en matière de sécurité intérieure ? Sont-ce ces professionnels qui ont suggéré ce forum ou d'obscurs conseillers en manque de crédibilité ou en recherche de reconnaissance ?
A notre humble avis, et sans être un spécialiste en la matière, ce genre de discussions s’entoure toujours d'un minimum de confidentialité, voire de secret, eu égard à l’objet même.
Pour ce que nous savons, nous avons :
- un ministère tout entier consacré à la Sécurité intérieure ;
- une Agence nationale pour le renseignement (ANR) ;
- un Conseil national de défense et de sécurité (CNDS) ;
- une Direction de la Sécurité intérieure (DSI) ;
- les Renseignements généraux (RG) ;
- la Division information (DI) de l'état-major des Armées ;
- sans oublier toutes ces petites mains et ces grandes oreilles qui se baladent partout.
Ces structures officielles et spécialisées, à moins que chacun travaille dans son petit coin, gardant jalousement ses informations, sont censées travailler en synergie pour anticiper tout danger, assurer la sécurité des personnes ainsi que des biens et on sait déjà quels sont les problèmes et les vraies solutions à y apporter.
Rétorquer que les données ont changé n’y change pas grand-chose.
Ce qui est gênant, voire incongru, dans cette affaire, c'est que des professionnels et des spécialistes veuillent discuter avec des personnes d'horizons divers dont la sécurité n'est pas forcément le domaine d'expertise pour chercher des solutions sécuritaires.
Les pros et experts ont-ils jeté l'éponge pour que le ministère en soit réduit à crier son impuissance sur tous les toits ?
Une retraite, en toute discrétion, d'une semaine dans une des maisons annexes de Kosyam avec nos hommes chargés de la sécurité, des OPJ aux magistrats en passant par les services de renseignement, les unités d’élite de l’armée, de la gendarmerie et de la police aurait sans doute été plus bénéfique que ce jamboree annoncé à grand renfort de publicité avec toutes les dépenses connexes que nous connaissons :
- spots TV et radio ;
- services traiteurs ;
- confection de visuels ;
- couverture médiatique ;
- invitation d'experts étrangers pour donner du « contenu » et de la « crédibilité ».
A cette liste, non exhaustive, on pourrait ajouter des missions dans les treize régions pour expliquer aux braves populations la nouvelle politique sécuritaire du pays.
Proprement inutile, mais ce ne serait pas une première au Faso de toute façon.
Simon Compaoré, le ministre d'Etat, ministre de la Sécurité intérieure, a certes assuré que ce ne serait pas une de ces foires dépensières où chacun vient s’écouter parler ;
on demande cependant à voir, car on a bien peur que ce soit du folklore dans la plus pure tradition révolutionnaire de la théorie de l'occupation permanente des esprits pour se convaincre et convaincre les populations qu’on se préoccupe de leur sort. Il se trouve que, comme l'argent, la sécurité n'aime pas le bruit et a besoin de tout sauf d’agitation (médiatique) pour être efficace. Au fait, Simon a-t-il seulement pensé à y convier ses amis koglwéogo, ces supplétifs qui lui donnent déjà un précieux coup de main dans la lutte contre le banditisme ?
La Rédaction
L'Observateur paalga
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