Des femmes de Loumbila à l’école de l’agro-écologie PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Sidwaya   
Mardi, 23 Septembre 2014 07:50

Utilisation d’engrais inapproprié, abus de pesticides, usage des eaux polluées des barrages et des eaux usées provenant des égouts, telle est la face hideuse de la production légumière dans les zones péri-urbaines de Ouagadougou. Face à une situation aussi alarmante, l’association  ‘’Yelemani’’ a décidé  de vulgariser les bonnes pratiques agricoles, à travers un jardin potager qui encadre les femmes  à la production  de  légumes 100% bio.

Elles sont au nombre de 17 femmes de la commune de Loumbila à s’engager avec l’association ‘’Yelemani’’ pour relever le défi de la souveraineté alimentaire. Elles ont la lourde tâche de convaincre leur entourage, notamment  les maraîchers, qu’il est possible de produire  des légumes en qualité et en quantité  sans  faire usage d’engrais et autres produits chimiques. Une ferme d’expérimentation agricole a été aménagée à cet effet à Loumbila, à  25km de Ouagadougou. A la ferme ‘’Yelemani’’, l’agro-écologie est le maître-mot,  c’est-à-dire une agriculture durable qui préserve non seulement l’environnement mais  aussi la santé du consommateur. Cette option fait suite à une étude  sur les pratiques agricoles dans la commune de Loumbila, commanditée par "Yelemani", dans le cadre de son projet «souveraineté et sérénité alimentaire au Burkina Faso». Cette étude a permis de mettre à nu les mauvaises pratiques agricoles de la zone, notamment l’usage des pesticides chimiques et le maraîchage à une distance très proche du barrage, favorisant ainsi  les maladies dues au contact direct avec les pesticides chimiques et les récoltes mal lavées, et l’ensablement dudit barrage.

 

Selon le témoigne d’une productrice, il a fallu, dès le début du projet, relever un défi majeur  à savoir, transformer une terre aride en terre agricole. Elle raconte que beaucoup de femmes n’y croyaient pas. Mais progressivement, grâce aux techniques naturelles  de conservation des sols, cette terre, jadis ingrate, est devenue féconde. Selon Soulemane Belem, leur formateur, la technique de fabrication du compost n’a plus de secret pour ces femmes. Outre  le compost qu’elles utilisent pour fertiliser le sol,  ces nouveaux disciples de l’agro-écologie font usage de produits naturels (cendre, feuilles de papaye, de neem, de tabac, etc.) pour protéger les plantes contre les insectes et autres prédateurs.

L’eau utilisée  par les productrices est celle provenant d’un forage construit  à cet effet. Dans l’optique d’utiliser cette eau de façon optimale, les femmes se sont mises au jardinage hors-sol. Elles usent de  deux techniques  de culture hors-sol.

Le jardinage hors-sol   dans des  sacs, une innovation

La première technique consiste à faire des planches clôturées en béton et à les remplir de terre mélangée à la fumure organique. C’est une technique qui  permet  non seulement de rationaliser l’utilisation de l’eau  en la retenant dans    le sol, mais aussi de protéger les planches des attaques.

La seconde technique de culture hors-sol est une  innovation que ‘’Yelemani’’, dans  sa quête d’innovation en matière de production durable, respectueuse de l’environnement, expérimente depuis le mois d’août dernier.  Cette technique de culture n’est pas une nouveauté en soi,  car pratiquée depuis longtemps dans plusieurs pays à travers le monde. Mais son adaptation au  contexte local, à travers l’usage des sacs de céréales, en est une.

Elle consiste à mettre de la terre et  du compost dans un sac et d’y placer au milieu du quartz à l’aide d’un tube PVC de 15 à 20 cm de diamètre. Les pépinières sont  ensuite repiquées dans le sac et tout autour. L’histoire de l’adoption de cette pratique culturale a commencé le 5 août 2014 à l’issue de la  visite par la coordonnatrice de "Yelemani", Blandine Sankara, d’un jardin hors-sol  au Centre national de semences forestières (CNSF). Mme Sankara affirme être aussitôt tombée sous le charme de cette technique. C’est ainsi  que dès son retour à la ferme, elle a demandé l’assistance de  l’initiateur de ce jardin hors-sol au Burkina, M. Mahamady Ouédraogo, représentant de l'ONG Environnement et développement du Tiers Monde (ENDA-TM RUP) à former les productrices de ‘’Yelemani’’ afin qu’elles servent de relais à la dissémination de cette pratique agro-écologique. Aujourd’hui, chose faite, les femmes ont entrepris la mise en place de 100 sacs pour commencer. Selon les premières impressions des productrices, l’expérimentation de cette technique qui n’est qu’à ses débuts, est moins pénible et facile à entretenir  dans la mesure où il ne nécessite pas de binage ou de désherbage. Par ailleurs, les attaques sont nettement réduites.

Selon Mahamady Ouédraogo, la technologie de  jardin-hors sol a été introduite au Burkina Faso en 2012. Suite aux  expérimentations  concluantes conduites au Centre national de semences forestières,  elle a été mise en place dans une école à Nagréongo. Pour Mahamady Ouédraogo, le jardin hors-sol peut être pratiqué par tous les ménages, qu’ils soient  ruraux, urbains ou périurbains. En clair, c’est  une technique 100% biologique qui fait la promotion   de l’agriculture familiale parce qu’elle est  à la portée de tous ceux qui souhaitent cultiver mais n’ont pas accès à la terre. Blandine Sankara dont l’association milite pour la souveraineté et la sérénité alimentaire, pense que cette innovation doit être vulgarisée  dans les ménages afin qu’ils puissent  produire, eux-mêmes,une partie des légumes pour leur alimentation. Enfin, la technique peut être une solution d’adaptation au changement climatique en ce sens qu'elle demande très peu d’eau et ne pollue pas l’environnement.

Montrer  l’exemple

Rosalie Tapsoba, une productrice, se dit  fière  de participer à cette expérience. Même si elle reconnaît que le maraîchage conventionnel, qui utilise beaucoup d’engrais, est plus rentable financièrement. Mais elle dit avoir  opté pour  la production écologique afin de préserver sa santé  et celle de sa famille. En effet, même si les légumes sont destinés à la vente, une partie est consommée par les familles des productrices. Par ailleurs, soutient Rosalie Tapsoba,  les  légumes biologiques ont meilleur goût  et ne pourrissent pas vite comme les légumes qu’on voit actuellement sur le marché.

Les légumes produits par les femmes sont essentiellement destinés aux consommateurs de Ouagadougou. Des paniers de légumes sont composés par semaine et livrés dans la capitale aux clients. Selon la responsable des ventes, Martine Savadogo, les produits sont prisés par une certaine catégorie de consommateurs exigeants ou bien avertis. Les responsables de "Yelemani" espèrent augmenter la production afin d’accroître les revenus des productrices. La stratégie de l'association est de limiter au maximum les intermédiaires en mettant l’accent sur le lien entre les productrices et les consommateurs. Toutefois, Blandine Sankara, la responsable, précise que ce projet n’est pas tourné prioritairement vers la production de revenus. Il s’agit pour elle de former ces femmes afin qu’elles puissent voler de leurs propres ailes en matière de gestion d’un potager. Comme bien d’autres organisations qui œuvrent dans ce domaine,  "Yelemani" entend apporter sa  contribution à la vulgarisation des bonnes pratiques agricoles,  notamment  l’agro-écologie. Elle ambitionne de  travailler  à augmenter son offre de légumes bio et de susciter un engouement des consommateurs et des producteurs  pour ce type de production.

 

Fatouma Sophie OUATTARA

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Sidwaya

Mise à jour le Mardi, 23 Septembre 2014 08:03
 

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