N’eût été le caractère tragique de la situation, on aurait pu se contenter d’en rire. Mais voilà, cette terrible scène qui a fait le tour du monde, le mardi dernier s’est déroulé à Monrovia, capitale du Liberia, le pays le plus touché par l’épidémie de fièvre hémorragique. C’est en effet là qu’une véritable chasse à l’homme, pour ne pas dire une battue, a été organisée pour remettre «en cage» sanitaire un homme qui s’en était évadé, semant la panique dans tout un marché de la ville.
La cause de cela : mis en quarantaine dans un centre d’isolement, ce «pestiféré» a réussi à s’en échapper pour surgir dans le marché le plus proche, lieu ô combien fréquenté. Muni d’une machette et d’un gros caillou, le malheureux, hagard, errait d’étal en étal en quête de pitance.
A la vérité, c’est tenaillé par la faim que notre homme a pris tous les risques, histoire de satisfaire par ses propres moyens un besoin ô combien vital même et surtout pour un patient d’Ebola.
Car non content de souffrir des effet de la terrible fièvre hémorragique, le pauvre devait également lutter contre les affres de la faim que son état a pu exacerber. C’est donc avec l’énergie du désespoir et poussé par l’élémentaire instinc de survie que l’impatient aura violé le cordon sanitaire avant d’être ramené manu militari à ses pénates, contraint et forcé par une escouade d’agents dûment accoutrés.
Ce fait divers illustre à souhait la difficulté de la prise en charge des malades de la terrible épidémie dans des pays comme le Liberia, mal outillés pour y faire face : insuffisance de structures, de matériel, de personnel qualifié et même de moyens matériels et financiers.
Bref, il faut non seulement combattre le mal à la racine mais également maintenir dans les liens de l’isolement ceux qui en souffrent.
Dès lors, on ne s’étonnera pas de voir des patients laissés à eux-mêmes dans ces centres de rétention qui ont l’air de prisons sans murs ni barreaux, alors que les visites sont interdites. Une situation difficile qui a exaspéré bon nombre de Libériens. On se souvient en effet de cette foule en colère qui, il y a peu, avait déjà pris d’assaut un centre de quarantaine, favorisant l’évasion de 17 pensionnaires, démultipliant d’autant le risque de propagation de la maladie.
On comprend mieux alors le cri du cœur proféré à New York par la présidente de Médecins sans frontières, Jeanne Liu, qui a dit en substance que l’épidémie est hors de contrôle. Et après la scène burlesque qu’il nous a été donné de voir mardi dernier à Monrovia, ce n’est pas seulement l’épidémie, mais également les malades qu’on peine à contenir.
Qu’en sera-t-il si les craintes de l’organisation mondiale de la santé devaient se réaliser à terme, à savoir plus de 20 000 cas ?
Vivement que le constat de MSF et la prévision de l’OMS soient juste de nature à secouer la communauté internationale de son apathie, autrement dit vive la catastrophe ! Un désastre sans précédent et pas seulement à l’échelle de la région considérée comme son épicentre.
Bien sûr, après le sérum américain, de nouvelles possibilités sont explorées, et l’on parle de plus en plus de la piste japonaise, qui semble prometteuse.
Reste à savoir si, dans l’éventualité de la découverte d’un sérum ou d’un vaccin, les considérations humanitaires prendront le pas sur les impératifs purement économiques et financiers ; en effet, et il faut bien se le dire, les laboratoires ne sont pas des institutions philanthropiques. Décidément, on n’est pas sortis de l’auberge Ebola!
Marie Ouédraogo
L'observateur paalga |