C’est l’histoire d’un communiqué de presse qui est resté plusieurs jours «dans les tuyaux», visiblement percés et qui n’en sortira donc finalement pas, tel un mauvais scénario qui ne trouvera jamais un réalisateur et des acteurs pour le porter à l’écran. La faute à «une forte rumeur» véhiculée par les médias sur le retrait de Timbuktu de la sélection officielle longs métrages de la 24e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO).
En cause, une éventuelle menace d’attentats en raison du sujet du film qui relate la vie quotidienne au nord-Mali, principalement à Tombouctou, sous l’occupation islamiste avec ses nombreux travers, cruautés et incohérences. On ne sait pas si la plaisanterie du président Michel Kafando lors de sa rencontre jeudi avec les artistes (1) a eu raison des réticences mais puisque c’était une information non fondée, la fatwa qui menaçait l’oeuvre «impie » a été levée.
Tant pis pour ces «plumitifs fabriquant la pâture de l’ignorant» selon la méchante expression de Diderot mais si en l’espèce les colporteurs de ragots ont pu se répandre en intox, la délégation générale du festival ne peut s’en prendre qu’à elle-même car si rumeur il y a eu, elle est partie de là-bas, preuve s’il en est que l’information n’était pas dénuée de tout fondement ; et le retrait du film a été effectivement projeté par les sécurocrates de la Transition.
Si la menace terroriste qui aurait justifié l’élimination avant compétition même d’Abderrahmane Sissako était prégnante, peut-on véritablement reprocher à un Etat responsable d’avoir voulu faire prévaloir le principe
de précaution ? Mais c’eût été déjà une victoire pour la multinationale du djihadisme si l’oeuvre du Mauritanien avait été censurée. Car si même la Mecque, sans mauvais jeu de mots, du cinéma africain avait renoncé a montré le film, ça aurait été un mauvais signal donné à tous les pays du continent voire du reste du monde.
Sans le vouloir, en pataugeant dans la communication de ce qui était en passe de devenir «l’affaire Timbuktu», les responsables burkinabè ont paradoxalement
donné une certaine publicité aux Salafistes de toutes barbes et plaise à Allah qu’ils n’aient pas donné des idées à des renégats qui n’y pensaient peut-être même pas. Mais le mal est déjà fait et une psychose s’est installée dans les familles où certains conseillent à leurs proches d’éviter les salles obscures cette année.
Des esprits retors ont même pu penser que c’est parce que la production récemment multicésarisée arrivait «en fanfare» sur les bords du Kadiogo pour rependre le titre de notre papier de lundi dernier, qu’une cabale cinématographique était ourdie contre elle. Du coup, avec une telle pression sur leurs épaules, les jurés ont beau être indépendants et désincarnés, que dira-t-on de leur lauréat qui, même « en temps de paix », fait rarement l’unanimité ? Que Timbuktu enfourche samedi l’Etalon d’or et on dira que le jury s’est laissé influencer par le ramdam fait autour.
Que leur choix final ne porte pas sur lui et on pensera qu’il n’a pas voulu aggraver le cas du Burkina qui serait déjà dans le collimateur des intégristes. On n’aimerait pas être à la place du Ghanéen Kwa Ansah et de ses collègues.
Tout compte fait, avec le maintien de Timbuktu dans la sélection officielle, c'est une première victoire pour ce FESPACO en Transition, qui a déjà le mérite de se tenir, malgré mille et une interrogations.
La Rédaction
(1) A un artiste qui demandait au président de la Transition s’il viendrait voir les films parce que les autorités ne se donnent pas toujours cette peine, Michel Kafando a répondu, sibyllin : « Si vous projetez Timbuktu, je viendrai» |