A peine l’ultimatum expiré, les soldats du califat ont mis à exécution leurs menaces, en décapitant l’otage français Hervé Gourdel, le guide niçois de la haute montagne, âgé de 55 ans, qui avait été enlevé le 21 septembre dernier en Algérie. De prime abord, et c’est ce que tout le monde redoutait, cela n’est pas surprenant, au regard de cas précédents dont les plus récents en date sont ceux des Américains Steven Sotloff et James Foley, et du britannique David Haines exécutés il y a de cela quelques semaines.
Ensuite, au regard de la barbarie de ces islamistes et du peu de considération que ces illuminés ont pour la vie humaine. En envoyant ad patres leur otage, ils choisissent la manière la plus satanique pour faire comprendre aux autorités françaises qu’elles ont eu tort de ne pas prendre leurs menaces au sérieux.
Ce n’est pas de gaité de cœur que l’Elysée a fait comprendre la position intransigeante de la France
Mais tout compte fait, en agissant de la sorte, non seulement ces islamistes contribuent à raviver les rancœurs de l’humanité tout entière à leur encontre, mais aussi et surtout, ils perdent du coup un moyen de pression et de change. Ils viennent de griller une cartouche bien précieuse. D’autant plus que dans bien des cas de prise d’otages, la France a souvent clamé haut et fort ne pas avoir cédé aux injonctions des ravisseurs, même si elle a parallèlement activé en coulisses une diplomatie souterraine pour parvenir à ses fins, parfois par l’entremise d’intermédiaires amis, tapis dans l’ombre dans certains pays du Golfe.
L’ultimatum de 24 heures, il est vrai, a eu pour effet de mettre suffisamment de pression sur les autorités françaises. Le délai était en effet trop court pour donner un temps de réflexion suffisant, en vue d’éventuelles négociations. Surtout que dans le cas d’espèce, il ne s’agissait pas de demande de rançon, mais de retrait d’une coalition en guerre.
Toutefois, dans ce contexte de lutte contre le terrorisme, il faut souligner l’audace des autorités françaises. Car, ce n’est pas de gaité de cœur que l’Elysée a fait comprendre la position intransigeante de la France, tout en n’ignorant pas la douleur et la colère qu’une telle annonce entraînerait dans la famille et chez les proches de l’otage. Certains pensent même que non contentes de ne pas voler au secours de leur ressortissant, les autorités françaises, par cette prise de position claire, avaient déjà scellé définitivement le sort de l’infortuné Gourdel.
La lutte contre le terrorisme est devenue une question planétaire. Et la France ne saurait rester en retrait de ce combat. Mieux, elle a un rôle important à jouer, car le monde semble parti pour une guerre de longue haleine dans ces croisades du XXIe siècle. Et les Occidentaux doivent s’attendre à la multiplication des enlèvements de leurs ressortissants, partout dans le monde. Aussi est-on tenté de se demander combien de rapts criminels ces croisades vont-elles générer ?
Les islamistes se sont tiré une balle dans le pied
Avec le recul, l’on se dit que l’organisation de l’Etat islamique (EI) nargue aujourd’hui le monde, peut-être parce que l’Occident, plus particulièrement les Etats-Unis, ont manqué une occasion historique d’en finir avec eux à travers le drame syrien. Si Obama n’avait pas reculé au dernier moment dans la guerre contre le président syrien, Bachar El Assad, et que la zone avait pu être nettoyée, pour faire ensuite place à un service après-vente qui tranche avec les cas irakien et libyen, peut-être que cela aurait permis de tuer le mal dans l’œuf et d’éviter la tragédie que le monde vit aujourd’hui. Il est à peine nécessaire de rappeler que la situation dans laquelle on a laissé l’Irak d’après Saddam Hussein, pratiquement à la merci des islamistes, a quelque part été un terreau fertile à l’éclosion de l’hydre. D’où la nécessité d’une stratégie de lutte beaucoup plus conséquente contre les fondamentalistes musulmans, à l’échelle mondiale.
Cela dit, maintenant que le malheureux Hervé Gourdel a été tué par ses ravisseurs, que va-t-il se passer ? Les autorités algériennes qui ont déjà mobilisé un impressionnant détachement d’environ 2000 hommes, vont-elles lancer l’assaut final contre les preneurs d’otages ? On attend de voir, puisque l’Algérie s’était montrée intraitable lors des événements d’In Amenas où des terroristes avaient pris en otage des ressortissants de plusieurs pays, avant d’être tous zigouillés par les forces spéciales algériennes. On se rappelle que quelques heures après l’enlèvement de Hervé Gourdel, le ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines déclarait que son pays ne s’inclinerait pas devant le terrorisme. On peut alors dire que les islamistes se sont tiré une balle dans le pied en exécutant un otage qu’ils auraient peut-être pu utiliser comme bouclier. En tout cas, aucune concession ne leur sera encore faite.
Outélé KEITA
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