À la suite des émeutes et des mutineries qui ont secoué le pays ces derniers mois, un Conseil consultatif sur les réformes politiques a été mis en place. Professeur en sciences politiques à Ouagadougou, Augustin Loada revient sur sa vocation.
Après plus de quatre mois de contestations sociales, le gouvernement burkinabé a convoqué un Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) réunissant des représentants du pouvoir, de la société civile et d'une partie de l’opposition - ses principaux partis ayant décidé de bouder l’invitation. Objectif : réfléchir aux réformes politiques à mettre en place “pour une meilleure gouvernance” du pays.
Au Burkina, certains s'interrogent cependant sur la véritable vocation de ce CCRP : s'agit-il d'une réelle volonté d’instaurer une "meilleure gouvernance" dans le pays, ou bien d'une manœuvre destinée à réintroduire un mandat illimité pour le chef de l’État ? Dans leurs conclusions qu'ils rendront le 14 juillet, les membres de l'instance devront en effet se prononcer, notamment, sur la nécessité - ou non - de modifier l’article 37 de la Constitution introduit en 2000 pour tenter d'appaiser le soulèvement populaire né de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998. Pour l'heure, cet article limite à deux le nombre de mandats que peut exercer le président de la république et interdit à Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 24 ans, qui a été réélu en 2005 puis en 2010, de se représenter à la présidentielle de 2015.
Augustin Loada, professeur en sciences politiques à l’Université de Ouagadougou et directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), fait partie des personnes ressources du Conseil consultatif sur les réformes politiques au Burkina Faso. Il analyse pour
FRANCE 24 l’opportunité de la tenue de ces assises nationales.
FRANCE 24 : Pourquoi engager aujourd'hui des réformes politiques au Burkina Faso ?
Augustin Loada : Le pays traverse une crise de gouvernance. Cela s’est traduit par des revendications corporatives ces derniers mois. Des élèves, des étudiants, des policiers et des militaires sont descendus dans la rue pour faire entendre leur voix. Aujourd’hui, les gouvernants semblent chercher à apporter des réponses à toutes les demandes formulées lors des manifestations. Les participants aux travaux du Conseil consultatif ont déjà pu se mettre d’accord sur certaines réformes intéressantes pour la bonne gouvernance du pays, notamment en ce qui concerne l’équilibrage du pouvoir au sein des institutions.
Mais les principaux partis de l’opposition ont boycotté ces concertations...
A.L. : Parce qu’il règne au Burkina Faso une méfiance entre le pouvoir, l’opposition et la société civile. Toutefois, les participants au Conseil consultatif ont opté pour une méthode de travail capable de satisfaire tout le monde : le consensus. Tout se décide par consensus. Dès lors qu’une partie présente s’oppose à une réforme envisagée, cette dernière est rejetée.
Les partisans du chef de l'État sollicitent également une modification de l’article 37 de la Constitution pour permettre à Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat en 2015.
Pourquoi maintenant ?
A.L. : Le débat n'est pas nouveau. Le pouvoir a toujours cherché des fenêtres d’opportunité pour remettre cette question sur la table [en 1997, le Burkina Faso avait déjà supprimé dans la Constitution la limitation du nombre de mandats présidentiels avant d’y revenir en 2000, NDLR]. Mais, plus le président Compaoré attend que les esprits se calment, plus il sera difficile pour lui de réviser l’article 37 de la Constitution. Le contexte régional et national dans lequel évolue le Burkina ne joue plus en sa faveur et l’instabilité du pays a battu en brèche son image d’homme-providence.
Par Trésor KIBANGULA (texte)
|